Les tentations algériennes de Paris
Que se passe-t-il au sein de la diplomatie française pour que le moins futé de tous les observateurs de la relation France/Maghreb puisse humer dans l’air du temps comme le fumet d’un étrange tropisme parisien à l’égard de l’Algérie ? Etaient-ce les multiples visites à haut niveau diplomatique et symbolique qui se succèdent vers Alger partant du bourru ministre de la défense Jean Yves Le Drian en passant par le somnolent Laurent Fabius ….jusqu’à cette grande première qui verra défiler le 14 juillet sur les Champs Elysées des militaires algériens.
Par Mustapha Tossa
S’agit-il d’une illusion d’optique ou d’une vraie réalité diplomatique ? Au fur et à mesure que la crise avec Rabat perdure, celle avec Alger se revigore d’une prestation inédite de deux vielles connaissances qui se retrouvent avec prudence et méfiance puisque chacune connaît la parfaite intimité, les profondes fêlures de l’autre.
Sur fond de tensions froides entre Rabat et Paris, ils étaient nombreux ces diplomates français qui simulent ou expriment une sincère surprise quand il s’agit de décoder le comportement marocain après le célèbre épisode "Hammouchi". Ils laissaient souvent entendre en off qu’ils avaient l’habitude de percevoir le partenaire marocain comme suffisamment posé et politiquement intelligent pour pouvoir encaisser les chocs de parcours et les restituer avec une délicatesse toute diplomatique.
Avec Alger, le passé étant toujours effervescent et la relation abrasive, cet état d’esprit semble imposer à l’approche diplomatique française une contrainte dans l’expression et des marqueurs rouges dans l’approche. Dans cette échelle de lecture, la pondération légendaire du Marocain à pour pendant le tempérament volcanique de l’Algérien. D’où la marge de manœuvre extrêmement étroite de la diplomatie française quant il s’agit d’affaires algériennes, d’où la liberté de ton à la limite des mauvaises manières quand il est question de préoccupations marocaines.
Certains pourront dire à raison d’ailleurs, qu’il ne s’agit que de realpolitik basé sur les intérêts des États et non des états d’âmes de leurs dirigeants. Alger dispose d’un fromage énergétique que les Français croqueraient volontiers avec plus d’appétit, d’une armée aux frontières d’une région, le Sahel, où des groupes terroristes d’une grande radicalité sont déterminés à menacer les intérêts vitaux de la France.
D’autres seront tentés d’expliquer ces œillades appuyés de Paris vers Alger à ce vieux réflexe propre aux relations sociales qui fait qu’on tape bruyamment sur les épaules d’un ami qu’on veut séduire pour mieux transmettre le message de courroux à celui avec qui on est brouillé et lui faire comprendre, parfois à base de messages clairs ou de codes chiffrés, que le temps de la brouille a assez duré.
La relation France-Maghreb ou plus précisément Hollande-Maghreb semble aujourd’hui enfermée dans ce ménage à trois. La tension froide avec le Maroc semble être partie pour durer, tant la France de François Hollande ne donne aucun signe politique publique de vouloir répondre aux interrogations posées par les Marocains pour reprendre l’amplitude de leur coopération judiciaire. Cet état d’esprit est exploité par certains groupes très actifs au bord de la Seine, trop contents de jouer une autre partition et de conjuguer la relation avec le Maghreb à la grammaire politique et diplomatique algériennes. C’est un risque que prend François Hollande en les laissant faire au risque de banaliser la relation d’exception qui a toujours lié la France avec le Maroc et qui lui permis de réaliser ses meilleurs exploits politiques africains.