Les Européens s’alarment pour le Sahel après le putsch au Mali

Les pays européens ont exprimé vendredi leur "profonde inquiétude" face à la détérioration de la situation au Sahel illustrée par le coup d’Etat militaire au Mali qu’ils ont condamné en appelant au retour à un gouvernement civil.

Au lendemain de la prise du pouvoir par des soldats à Bamako, l’Union européenne a haussé le ton en suspendant son aide au développement au Mali "jusqu’à ce que la situation se clarifie".

Mais Bruxelles a maintenu l’aide humanitaire alors que la population malienne, l’une des plus pauvres au monde, est confrontée à la menace d’une nouvelle crise alimentaire et aux risques sécuritaires liés à la rébellion touareg dans le nord.

Réunis vendredi à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont "fermement condamné" le coup d’Etat mené la veille par un groupe de militaires qui a renversé le président Amadou Toumani Touré avant de fermer les frontières.

Appelant à "la fin immédiate des violences et à la libération des responsables de l’Etat", les Européens ont réclamé le "retour d’un gouvernement civil et la tenue d’élections démocratiques", qui étaient prévues le mois prochain.

"Nous espérons que l’ordre constitutionnel sera restauré très rapidement, ainsi que l’Etat de droit", a déclaré la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton.

Ces dernières années, les Européens ont apporté un soutien actif au Mali, considéré comme un exemple de transition démocratique en Afrique de l’ouest. Bruxelles a ainsi alloué près de 600 millions d’euros sur la période 2008-2013 pour soutenir son développement économique balbutiant.

Au-delà du Mali, les ministres ont affirmé vendredi "leur détermination" à soutenir davantage les pays du Sahel (Niger, Mauritanie, Algérie) "dans leurs efforts pour lutter contre la pauvreté, le terrorisme, l’extrémisme violent et le crime organisé".

"La situation est de plus en plus instable", a résumé le ministre danois des Affaires étrangères, Villy Sovndal, en insistant sur "la nécessité" pour l’Europe d’accroître sa présence.

Outre la rébellion touareg, le Mali et ses voisins sont confrontés aux activités d’Al-Qaida au Maghreb islamique (attaques, enlèvements, trafics divers) et de réseaux criminels, tandis que l’afflux d’armes issues du conflit libyen exacerbaient les risques. Douze Européens, dont six Français, sont actuellement retenus au Sahel par Aqmi et un groupe dissident.

Après des mois de réflexion, les ministres européens ont donné vendredi leur feu vert à un projet de mission de l’UE destiné à former les forces de l’ordre (policiers et gendarmes mais pas les militaires). "Ces pays manquent d’outils basiques pour faire face aux nouvelles menaces. Il est urgent de les renforcer", a expliqué un responsable européen.

Cette opération, lancée dans le cadre du Concept de gestion de crises de l’UE, devrait débuter au Niger, probablement d’ici l’été, avant d’être éventuellement étendue aux autres pays de la région. Une trentaine de formateurs européens devraient être initialement déployés, selon une source européenne.

Une telle initiative est jugée trop modeste par certains experts.

Le député européen français Arnaud Danjean (UMP), président de la sous-commission Défense au Parlement européen, regrette ainsi que, "pour des raisons bureaucratiques et sans doute politiques", l’UE "ne soit pas au rendez-vous de l’urgence à assister ses partenaires africains qui réclament son aide, avec le risque d’une destabilisation majeure de tous les Etats de la région".

Dates-clés du Mali depuis l’arrivée au pouvoir du président Amadou Toumani Touré en 2002:

– 8 juin 2002: Amadou Toumani Touré, "ATT", élu en mai, succède à Alpha Oumar Konaré. Président pendant la transition de 1991-1992, après le renversement du régime de Moussa Traoré, il avait rendu le pouvoir aux civils.

– 11 juil 2003: Alpha Oumar Konaré est élu à la tête de l’Union africaine (UA) comme président de la Commission, l’exécutif de l’UA.

– 24-25 oct: Visite officielle de Jacques Chirac, la première d’un président français depuis 1986.

– 23 mai 2006: Plusieurs centaines d’ex-rebelles touareg attaquent et prennent le contrô le de camps militaires à Kidal et Ménaka (nord) avant de se replier avec armes et munitions.

– 4 juil: Accord de paix à Alger gouvernement/ex-rebelles touareg prévoyant le développement des régions déshéritées du Nord.

– 29 avr 2007: Amadou Toumani Touré réélu au 1er tour de la présidentielle (71,20%).

– 11 mai: Des hommes armés conduits par un ex-rebelle touareg, Ibrahima Ag Bahanga, prennent d’assaut un poste de sécurité dans la région de Kidal: dix morts.

– 1er et 22 juil: La mouvance présidentielle, au sein de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), obtient 113 sièges sur les 147 de l’Assemblée nationale.

– 26-27 août: Des hommes se réclamant d’Ag Bahanga enlèvent une cinquantaine de militaires et civils dans le Nord. Les derniers libérés en 2008.

– 21 mai 2008: Une attaque rebelle visant un poste militaire à 150 km de Kidal fait 32 morts, dont 15 militaires.

– 21 juil: Accord à Alger entre gouvernement et principaux mouvements rebelles touareg sur l’arrêt des hostilités pour relancer le processus de paix initié par l’accord de 2006 et mis à mal par de récents enlèvements et attaques dans le Nord-Est.

– 17 juin 2009: L’armée attaque pour la première fois une base d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sur son sol, après l’assassinat d’un otage britannique, revendiqué par Aqmi. La branche maghrébine d’Al-Qaïda a des bases dans le nord du territoire malien d’où elle organise dans la zone désertique de la bande sahélo-saharienne des attentats et des enlèvements – essentiellement d’Occidentaux – ainsi que divers trafics.

– 22 juil 2010: Raid franco-mauritanien contre une base d’islamistes armés dans le désert malien. Depuis, la Mauritanie mène régulièrement des opérations militaires contre Aqmi en territoire malien, qualifiées de "préventives".

– 25 nov 2011: Des hommes armés tuent un touriste étranger et en enlèvent trois à Tombouctou (nord) au lendemain du rapt de deux Français dans une autre localité malienne. Au total, treize Occidentaux, dont six Français, sont retenus dans le Sahel par Aqmi et un groupe présenté comme dissident.

– 17 jan 2012: La rébellion touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et d’autres rebelles, dont des hommes armés qui avaient combattu pour le régime de Mouammar Kadhafi en Libye, lancent une vaste offensive dans le Nord, la plus importante depuis 2009. Plusieurs villes sont attaquées.

– 20 mars: Le mouvement islamiste armé touareg Ançar Dine affirme contrô ler Tinzawaten, Tessalit, Aguelhok (nord-est).

– 21 mars: Des militaires en colère tirent des coups de feu à Bamako et investissent l’Office de la radio-télévision malienne (ORTM).

– 22 mars: Au nom d’un "Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE)", des militaires – essentiellement des hommes du rang – annoncent avoir renversé le régime de Touré, face "à l’incapacité" du gouvernement "à gérer la crise" au Nord, et avoir dissous "toutes les institutions", et suspendu la Constitution.

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