Le quatrième mandat de Bouteflika, un gag de mauvais goût

Comme cela était tristement prévisible, les réactions au quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika continuent de prendre un tour dramatique. Plus le clan du président s’échine à vendre la normalité d’une telle candidature, plus les réactions épidermiques à ce projet prennent de relents insurrectionnels. Déjà dans la presse, Abdelaziz Bouteflika fut crucifié par le biais de tribunes écrites au vitriol, d’éditoriaux rédigés avec la rage des impuissants, dans un mélange de désespoir aiguë et de sombre fatalisme.

Par Mustapha Tossa

Au sein même de la classe politique algérienne, les soutiens à ce quatrième mandat, même si le casting peut tromper en faisant référence à des poids lourds, soufrent d’une grande solitude. Comme si prendre part à cette campagne de prolongation d’un président âgé et malade n’est pas la plus revendiquées des fiertés. Sur les réseaux sociaux, le quatrième mandat prend pour son grade. Une mobilisation de défiance et de critique jamais vue.

La jeunesse algérienne le ressent comme la permanence d’un cauchemar qui a le goût cendré d’un interminable hiver. Les mobilisations à travers ses réseaux ont donné cette éphémère impression que cette jeunesse s’apprête à goûter à son tour et à sa manière à l’enivrante sensation des printemps arabe.

Malgré la lourde propagande officielle, la situation algérienne est suffisamment grave pour qu’une grande figure de son échiquier politique, Mouloud Hamrouche, puisse appeler à faire tomber le régime à l’aide de l’armée. Des appels ouverts à commettre un coup d’état devenu au fil des ans une spécialité algérienne, une manière de conserver ou de redistribuer le pouvoir.

Dans son défi au projet du quatrième mandat, une partie de l’opposition algérienne n’en utilise pas une arme de discrédit massif. Elle lance des appels à ce que tous les candidats puissent se retirer de cette course, ne pas faire campagne et laisser Bouteflika dans sa terrible solitude et son désir honteux de rempiler à la tête d’un état qui a depuis longtemps divorcé avec le pays.

Le quatrième mandat n’est pas une bonne nouvelle pour les Algériens. Sa philosophie tend à les maintenir dans un état de médiocrité et de végétation politique indigne de leur intelligence et de leurs qualités intrinsèques. Alors que le monde arabe, entraîné par une dynamique nouvelle, bouge, l’Algérie, telle que la rêve Bouteflika se recroqueville sur elle même, jusqu’à la sclérose. Le grand message de ce quatrième mandat a été perçu comme une volonté castratrice de la dynamique algérienne et un désir de jeter un voile sombre sur son avenir.

Le quatrième mandat n’est pas non plus une bonne nouvelle pour l’ensemble de la région. Alors que les antagonismes, le blocage, la désunion sont les maîtres mots du vocabulaire diplomatique régional, un changement d’hommes à la tête de l’Etat offrait plus de chances d’accéder à un changement de politique. Même si la conviction est profondément installée qu’aucun réel changement à l’égard des pays frontaliers de l’Algérie n’est à attendre, tant que le pays est encadré par un appareil politique (FLN) et sécuritaire (les fameux services) nourri à la haine du voisin. L’espoir réside qu’un nouveau président avait plus de chance de porter ce changement que l’ancien qui a montré à plusieurs reprises qu’il était le producteur, le relais et l’écho d’une fixation morbide sur le Maroc.

À l’international, le quatrième mandat est vécu comme un calvaire difficile à commenter. En France, même si officiellement la France, avec son passif algérien encore effervescent, ne se mêle pas des affaires intérieures algériennes, il n’en demeure pas moins que les commentaires en off oscillent entre le rictus amer et le franc désespoir. La diplomatie française semble avoir pris la décision de réagir au fur et à mesure, attendre les évolutions politiques et commenter en conséquence. Avec Washington et Moscou les relations sont à la fois plus compliquées et faciles à comprendre. Le silence américain et la complicité russe s’expliquent par ce que le journaliste d’origine algérienne du Nouvel Observateur Farid Aïchoune résume en quelques mots " L’Algérie abrite ainsi à Tamanrasset, à 2 300 kilomètres de la capitale, une base d’écoutes de la CIA. La Russie, elle, lui a vendu quarante chasseurs Sukhioï Su 30 dernier cri."

Il n’e demeure pas moins que le quatrième mandat de Bouteflika fait entrer l’Algérie et l’ensemble de la région dans une phase remplie d’incertitude et une séquence teintée d’angoisse. Personne ne peut parier que le processus électoral ira jusqu’à son terme et que Bouteflika puisse réaliser son rêve …mourir dans son habit présidentiel.

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