L’extrême droite se banalise en France

par Mustapha Tossa

À l’approche des élections européennes, une réalité s’impose à l’esprit. L’extrême droite, jadis infréquentable, est devenue aujourd’hui une possible première force politique du pays. Certains sondages lui prédisent même de devancer la liste parrainée par la république en Marche d’Emmanuel Macron.

Signe des temps et des nouvelles postures, Marine Le Pen que les commentateurs croyaient définitivement enterrée après son débat spectaculairement raté d’entre les deux tours de la présidentielle paraît retrouver une nouvelle sève.

La montée de l’extrême droite et son gain évident de plus crédit et de respectabilité politique auprès des Français est le fruit de plusieurs facteurs internationaux et domestiques. Le parti de Marine Le Pen qui avait fait sa mue du « Front National » et « Rassemblement national » en tentant par la même occasion d’expurger son identité de quelques repoussoirs idéologiques, avait profité des vents du populisme qui continuent de souffler sur le monde.

Ces vents avait permis Donald Trump d’accéder au pouvoir à la Maison Blanche, à Matteo Salvini de s’imposer comme le maître absolu de Rome, à l’extrême droite de faire une entrée fracassante aux parlements allemand et espagnole et aux britanniques d’acter de manière irréversible leur divorce avec la très bureaucratique Union européenne. Autant d’indicateurs qui ont gonflé les espoirs de l’extrême droite française de la voir réaliser prochainement un exploit qui la mettrait au diapason de cette humeur populiste mondiale.

D’ailleurs les sondages sont là pour consacrer cette embellie pour le RN de Marine Le Pen. Son Image s’est améliorée avec désormais 36% des Français qui en ont une bonne opinion, son meilleur score depuis 2011.

Il faut dire aussi que cette extrême droite ouvertement raciste et xénophobe était aidée dans son ascension par des événements factuels qui ont participé à assombrir l’atmosphère. Une vague d’attentats terroristes des plus meurtriers avait frappé le territoire européen dans le sillage de la guerre internationale contre Daesh. Une crise migratoire des plus aiguës avait menacé les grands équilibres sociaux et politiques des sociétés européennes et interpellé leurs capacités à accueillir les damnés de la terre et à ouvrir leurs bras aux réfugiés politiques et humanitaires. L’extrême droite a joué sur les peurs pour gagner une nouvelle clientèle et s’imposer comme le porte-voix des angoissés.

Sur le plan domestique, l’extrême droite semble avoir profité d’une séquence inattendue. Emmanuel Macron qui portait les espoirs d’une France de la bonne gouvernance après celle chahutée et en faillite de François Hollande, fut durement challengé par le mouvement des gilets jaunes. Pendant de longues semaines, quand la violence tout court ne prenait pas le dessus exportant une détestable image de Paris à travers le monde, la violence sociale s’étalait au grand jour.

Les extrêmes ont profité de cette aubaine pour structurer le discours politique et le radicaliser d’avantage. Et si on rajoute à ces données l’inavouable erreur de casting qui consistait à choisir Nathalie Loiseau, une ancienne ministre, au charisme défaillant comme tête de liste, le tableau gagne en grisaille pour le président de la république qui avait fait de la « renaissance » de l’Europe une planche de salut pour son avenir politique. Nathalie Loiseau fut si décriée, si laminée, que ses photos finissent par disparaître du radar de la campagne au profit de celles imprimées en urgence d’Emmanuel Macron, dans le rôle du sauveur de dernière minute. Le pari sur Nathalie Loiseau dutà une erreur personnelle d’Emmanuel Macron alors que de nombreux signaux déconseillaient de l’inscrire dans cette aventure au risque de provoquer un immense rejet.

Au cours de ces élections européennes, un enjeu de taille est en train de se jouer. Si l’extrême droite parvient à arracher la première place, cela mettrait Emmanuel Macron dans une situation difficile. Non seulement il sera dans l’obligation de se séparer dans l’urgence de son premier ministre Édouard Philippe et de revoir l’ensemble de la machine gouvernementale, mais il doit aussi repenser en profondeur sa stratégie pour préparer la bataille du second mandat. Emmanuel Macron qui s’est autoproclamé chef des progressistes européens aura à gérer en France une extrême droite gonflée à bloc par une possible performance dans ces élections européennes. Une extrême droite qui fabrique les ruptures et génère les tensions avec l’arrogance des parvenus et la volonté d’en découdre des anciens marginaux.

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