François Hollande, le solitaire chef de guerre européen

Lorsque menant sa campagne de conquête de l’Elysée, un amateur de pronostics politiques avait osé prédire la transformation de François Hollande en chef de guerre « africain », il se serait fait rabrouer au mieux pour fantaisie infondée, au pire pour manque évident de pertinence. Et pourtant le même François Hollande qui avait construit sa touche ronde, consensuelle, allergique au conflit et à l’antagonisme, caractères que son prédécesseur Nicolas Sarkozy portait en bandoulière comme autant de marque distinctifs, se retrouve aujourd’hui sur le terrain miné des cliquetis.

rançois Hollande, le dénonciateur de la Francafrique, cette intimité malsaine entre l’ancienne puissance coloniale et les pays africains indépendants, se trouve aujourd’hui dans la situation de l’acteur militaire africain par excellence. Son aventure malienne à travers l’opération Serval n’était pas un accident de l’histoire destiné à rester orpheline. Son implication aujourd’hui en Centrafrique à travers l’opération Sangaris conforte cette tendance à vouloir assumer des responsabilités de plus en plus irréversibles sur le théâtre africain.

Dans cette aventure, François Hollande est seul, voire solitaire. Sa diplomatie peut toujours arguer qu’une telle implications sur la scène africaine est chaudement sollicitée par les pays africains eux même, hantés par les risques de déstabilisation que leur font courir les groupes radicaux, La France ne peut s’empêcher de donner l’impression que la guerre et la paix en Afrique est avant tout une affaire française.

La solitude de François Hollande se mesure par le degré d’implication des pays européens dans ses plans et sa stratégie. Presque quasi absent de cette aventure. Comme si les enjeux pour lesquels les militaires français livrent des combats sur le territoire africain ne concernaient que le seul intérêt français, alors que les risques de déstabilisation régionale et les menaces de catastrophes génocidaires touchent de plein fouet l’ensemble des pays européens.

De nombreuses explications ont été données à cette absence de l’Europe auprès de François Hollande, chef de guerre africain. Parmi lesquelles se trouve cette incapacité européenne à imaginer une politique de défense commune qui institutionnaliserait l’implication européenne. C’est l’explication politique et organique de ce déficit. La seconde raison est que ces pays européens n’entretiennent pas, pesanteurs ou richesses de l’histoire oblige, les même relations avec les pays africains. La troisième raison et peut être la plus incisive est que les pays européens malgré leur capacité à construire la maison européenne commune avec l’Euro comme monnaie unique, ont des intérêts économiques à l’international suffisamment divergents et concurrentiels pour ne pas souscrire au choix politique français de s’engager militairement sur la scène africaine.

Il faut dire que même si de temps à autres, des voix s’élèvent pour pointer cette solitude française et souligner cette flagrante absence de l’Europe, il n’est pas dit que cette situation arrange d’une manière ou d’une autre le processus de prise décision français. Car il est difficile d’imaginer aujourd’hui François Hollande attendre le feu vert de Bruxelles pour prendre des décisions de rupture aussi importantes que "Serval" au Mali ou "Sangaris" en Centrafrique.
Une exemple récent a montré à quel point un engagement militaire européen harmonieux est difficile à imaginer. Ce fut dans le cas de la Syrie. Bien avant le refus britannique et le recul américain, la chancelière allemande Angela Merkel avait déjà freiné les ardeurs guerrières françaises d’une telle manière qui rendent difficile d’imaginer une action militaire commune européenne.

Bien entendu, même s’il ne font partie de l’aventure militaire française en Afrique, François Hollande, même enfermé dans sa bulle africaine, ne peut ignorer ses voisins européens. Il a besoin de les amadouer ne serait que parce qu’il a besoin de leur soutien politique et diplomatique pour décrocher la bénédiction internationale à ses actions, parapluie onusien et autres légitimité que procure le droit international.

Pour le président Français, cette solitude dans l’engagement militaire africain est à double tranchant. Elle peut à la fois impliquer la France dans d’inextricables processus de résolutions de crise avec le coût politique et économique que cela implique. Les bourbiers africains ont la peau dure et épaisse. Mais elle peut aussi réinstaller la France comme une vraie puissance continentale avec les avantages économiques en termes de marchés qu’une telle puissance militaire peut générer. Sur ce point particulier, certains pointent ce paradoxe : plus l’influence économique de la France se réduit sur le continent africaine, plus sa présence militaire devient plus forte et parlante.

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