France: Macron en terrain difficile en Corse face aux nationalistes

Le président français Emmanuel Macron a entamé mardi une visite de deux jours en Corse, où les nationalistes engrangent les succès électoraux et posent un défi au dirigeant d’un des Etats les plus centralisés d’Europe.

A la tête de l’Assemblée régionale, les dirigeants nationalistes, en quête de plus d’autonomie, ont appelé M. Macron à un "dialogue sans tabou" sur l’avenir de l’île méditerranéenne afin de résoudre le casse-tête qui se pose depuis des décennies aux gouvernements successifs.

Alors que le président doit prononcer mercredi un discours très attendu sur sa vision de la Corse, il a plaidé dès son arrivée pour une "union indéfectible dans la République" française.

M. Macron a fait ces déclarations lors d’un hommage rendu au préfet Claude Erignac, vingt ans jour pour jour après son assassinat à Ajaccio, tué par un indépendantiste de trois balles, dont une à bout portant dans la tête.

"La Corse, terre de fierté et de dignité, a été salie par ce crime", a-t-il déclaré, appelant au passage à "ménager un avenir à la Corse" sans la faire sortir du "giron républicain".

Le président, qui était accompagné par plusieurs ministres, s’est exprimé après un discours de Dominique Erignac, la veuve du préfet, qui revenait à Ajaccio avec ses enfants pour la première fois depuis vingt ans.

M. Macron a également pu saluer le président nationaliste du Conseil exécutif corse et leader autonomiste Gilles Simeoni. Avant d’être élu, celui-ci avait été l’un des avocats d’Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l’assassinat du premier préfet tué en France depuis la seconde guerre mondiale.

Le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, était en revanche absent. Le dirigeant indépendantiste a expliqué son refus de participer à l’hommage par son "histoire politique" proche des mouvances indépendantistes clandestines.

La Corse a été pendant des décennies le théâtre de violences avec plus de 4.500 attentats – provoquant très majoritairement des dégâts matériels – en grande partie revendiqués par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC).

Depuis l’assassinat du préfet Erignac, le nationalisme corse a tourné en 2014 la page de la clandestinité et des attentats, avant de triompher dans les urnes, élisant en 2017 trois députés sur les quatre de l’île, puis obtenant une majorité absolue aux élections territoriales de décembre.

Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, les deux leaders de l’alliance entre autonomistes et indépendantistes, se sentent ainsi en position de force pour accueillir Emmanuel Macron, avec lequel ils s’entretiendront à 18h00 GMT mardi dans un bâtiment majestueux dominant Ajaccio et sa baie.

Les dirigeants corses ne demandent pas l’indépendance de l’île mais un "véritable statut d’autonomie" et la reconnaissance de sa spécificité, par son inscription dans la Constitution française. Ils réclament un statut fiscal et social spécial, la co-officialité de la langue corse et le rapprochement des prisonniers corses détenus en France continentale.

"Il y a une fenêtre historique pour sortir de la logique de conflit", a expliqué lundi Gilles Simeoni. Mais "pour un dialogue il faut être deux. Et pour l’instant nous avons été les seuls à avoir donné des signes tangibles que nous voulions ce dialogue".

Le responsable autonomiste a en effet indiqué ignorer quelles étaient "les intentions" d’Emmanuel Macron, qui a très peu évoqué publiquement la Corse depuis son élection.

"On part pratiquement d’une feuille blanche avec lui", résume Gilles Simeoni, en prévenant: "si demain les portes du dialogue restaient fermées, nous serions dans une situation de crise, de blocage politique".

L’allocution mercredi de M. Macron sera aussi très suivie à Paris, notamment dans le cadre du débat sur la révision de la Constitution souhaitée par le président, qui porte sur les institutions mais pourrait inclure la Corse, comme le réclament les nationalistes.

Mardi matin, le président des Républicains (droite) Laurent Wauquiez a, lui, défini ses "lignes rouges" en soulignant qu’il n’y avait "pas de citoyenneté corse" et que "la langue corse n’est pas au même niveau que la langue française". (afp)

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite