Agadir 1960, Dominique Strauss-Kahn a vécu dans sa chair le tremblement de terre qui a anéanti la ville. Il en était traumatisé, hanté par les morts et les images de désolation. Marrakech 8 septembre 2023, le destin a probablement fait que l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) soit absent de la cité ocre quand le séisme a frappé la région d’Al Haouz et la ville dans laquelle il a choisi d’y vivre avec son épouse Myriam L’Aouffir. Il s’y précipita pour participer avec son association Mekkil’ à l’extraordinaire élan de solidarité des marocains pour venir en aide aux victimes. Parce que comme il l’affirme, il se sent « très marocain ».
« Quand je sens le Maroc souffrir comme il souffre aujourd’hui –pas ceux uniquement qui ont souffert dans leur chair parce qu’ils sont dans les décombres, mais tous les Marocains autour de moi que je vois souffrir de voir leurs frères marocains dans cette détresse. Quand je vois ce Maroc là, je vois cette idée que je me suis toujours faite de la solidarité nécessaire dans une société et que je ne sens pas toujours dans une société comme la nôtre en France. Cette solidarité là, une solidarité de fait, le fait qu’on aide son voisin, le fait qu’on ne laisse pas un vieux dans la rue, le fait que quand quelqu’un a besoin de manger, on lui ouvre sa table. Cette solidarité là, je la retrouve au Maroc. Et de ce point de vue là, je me sens très marocain », a déclaré DSK, visiblement ému, au micro de BFMTV dont il était l’invité.
« J’ai passé mon enfance au Maroc. J’y suis maintenant depuis 15 ans. Mon épouse est Marocaine. Beaucoup de mes amis sont Marocains. Mes enfants sont en France et donc mon cœur est partagé. Mais je me sens très marocain. Je n’ai aucune difficulté à le dire », a souligné le président de l’ONG Mekkil’, qui se trouvait au douar Touggana pour superviser, avec son épouse très investie dans l’humanitaire, les opérations d’acheminement des aides.
Même s’il s’est éloigné de la politique politicienne, DSK ne peut échapper à la question récurrente des médias français sur un pseudo refus du Maroc de l’aide de la France, il y répondit avec ironie « la question était inévitable ! », avant de noter que « le Roi n’a rien refusé. Il a simplement choisi parmi les propositions celles qui convenaient le mieux » à la situation, estimant qu’il faut éviter un « afflux démesurée d’aides » à même de compliquer les opérations de coordination de sauvetage et d’acheminement des aides dans les villages de haut Atlas.
Relancé sur les tensions que traversent la France et le Maroc depuis de deux ans, il en convient qu’« il y a un ensemble de situations qui ont durci la relation entre les deux pays ». « Il y a de l’animosité de part et d’autre (…) Les relations sont exécrables. C’est très dommage, et pour ma part, je le regrette profondément », déplore-t-il.
Et de préciser encore : « Si vous voulez le fond de ma pensée, le problème n’est pas entre le Maroc et la France. Le problème vient de certaines difficultés qui ont pu exister et qui, pour moi, sont largement françaises. Ce problème passera avec le temps.»
Quelles en sont « C’est peut-être de l’arrogance », poursuit-il, avant d’y voir plutôt un problème de « méconnaissance ». « J’ai connu des diplomates français qui connaissaient parfaitement le Maroc. Ces dernières années, et pour la première fois depuis l’indépendance du Maroc, il n’y a pas un spécialiste français du Royaume à l’Elysée. Et bien, ça se sent ! », regrette l’ancien ministre des Finances et de l’Economie. Car pour lui, « le pont qui a existé depuis très longtemps entre la France la France et le Maroc a enrichi les deux pays. »
« Il est nécessaire aujourd’hui pour le Maroc parce que la France est dans une certaine mesure une mère nourricière, chose qu’elle a longtemps exercée. Pour la France parce que le Maroc exerce aujourd’hui une influence telle que sur l’ensemble de l’Afrique francophone, au sens économique j’entends », ajoute-t-il, pointant du doigt l’importance de ces liens avec le Maroc pour développer l’Afrique francophone et ne pas les utiliser « revient à se couper un bras. »
« Vous pourriez servir d’intermédiaire pour la réconciliation ? », lance l’un des journalistes. La réponse de DSK fuse : « Je ne cherche aucun rôle et je suis à la disposition de tout le monde. Aujourd’hui, je suis surtout à la disposition de ceux qui sont en train de mourir dans les montagnes. La réconciliation, ce sera pour un autre jour », conclut-il.
Fidèle à sa ville d’adoption, DSK a par ailleurs invité les touristes français à ne pas bouder Marrakech. « Dans quelques semaines, les risques seront derrières nous. Aucun centre vital, économique ou touristique, n’a été touché. Il n’y a aucune raison de ne pas venir », a-t-il dit en réponse à une question sur le sujet.
« Je dis à mes compatriotes français qui aiment le Maroc : continuez de venir », a-t-il lancé.