Face au CNT, Alger se terre dans la diplomatie du silence
Depuis le début de la crise libyenne, l’Algérie a opté pour le silence et la non-ingérence. C’est l’un des derniers pays arabes à ne pas reconnaître officiellement la légitimité du CNT, plombant les relations diplomatiques entre les deux pays.
La diplomatie algérienne restait en effet encore muette jeudi, se refusant toujours à reconnaître officiellement le Conseil national de transition (CNT), l’organe politique des opposants au régime libyen.
Depuis le début de la crise libyenne, Alger a opté pour le silence et la non-ingérence. Le gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika n’a pas condamné les exactions de Kadhafi et a toujours refusé, avec la Syrie, l’intervention de l’Otan en Libye. Alger et Damas sont aujourd’hui les dernières capitales arabes à ne pas reconnaître officiellement la légitimité politique des combattants anti-Kadhafi.
Le sentiment anti-algérien
Parmi les craintes avouées de l’Algérie, celle du terrorisme. Le gouvernement de Bouteflika exige que le CNT s’engage avec "vigueur" contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
L’Algérie, qui possède une frontière commune de près de 1 000 kilomètres avec la Libye, redoute que des groupes djihadistes liés à Aqmi profitent de la défection de Kadhafi pour acheminer des armes, en provenance des stocks abandonnés du régime libyen, vers leurs bases du Sahel.
Dès la fin février et le soulèvement de Benghazi, de grandes quantités d’armes ont été prélevées par les groupes salafistes et les djihadistes des casernes et dépôts de munitions où elles étaient stockées. En avril, un responsable de la sécurité Algérienne confiait à l’agence Reuters ses inquiétudes : "Si le régime Kadhafi tombe, ce sera toute la Libye, en tant que pays aux frontières étanches (…), qui disparaîtra, au moins pendant un bon moment, suffisamment long pour qu’Aqmi se redéploie jusqu’à la Méditerranée", avait-il alors déclaré sous couvert d’anonymat.
Les relations diplomatiques sont d’autant plus houleuses entre les deux pays que le CNT accuse l’Algérie d’avoir soutenu le régime de Kadhafi, en facilitant le passage d’armes et de mercenaires entre les deux pays depuis le début de la crise. Une accusation mal digérée par Alger qui dément fermement et soumet désormais la reconnaissance du Conseil de transition à des excuses publiques.
Du côté libyen, les suspicions restent bien ancrées et nourrissent un fort sentiment anti-algérien. Le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, a demandé au secrétaire général de l’ONU "d’assurer la protection des diplomates et des locaux de la mission algérienne" après que l’ambassade d’Algérie à Tripoli a fait l’objet d’une "série de violations" dans la nuit du 21 au 22 août.
La menace d’Aqmi
Parmi les craintes avouées de l’Algérie, celle du terrorisme. Le gouvernement de Bouteflika exige que le CNT s’engage avec "vigueur" contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
L’Algérie, qui possède une frontière commune de près de 1 000 kilomètres avec la Libye, redoute que des groupes djihadistes liés à Aqmi profitent de la défection de Kadhafi pour acheminer des armes, en provenance des stocks abandonnés du régime libyen, vers leurs bases du Sahel.
Dès la fin février et le soulèvement de Benghazi, de grandes quantités d’armes ont été prélevées par les groupes salafistes et les djihadistes des casernes et dépôts de munitions où elles étaient stockées. En avril, un responsable de la sécurité Algérienne confiait à l’agence Reuters ses inquiétudes : "Si le régime Kadhafi tombe, ce sera toute la Libye, en tant que pays aux frontières étanches (…), qui disparaîtra, au moins pendant un bon moment, suffisamment long pour qu’Aqmi se redéploie jusqu’à la Méditerranée", avait-il alors déclaré sous couvert d’anonymat.
Crainte de la contagion
Outre la menace terroriste, le pouvoir algérien, confronté à un climat social délétère, voit d’un mauvais œil la chute du dictateur voisin et craint le risque de contagion. Le président Bouteflika, qui enchaîne les réformes et contre-réformes au gré des évolutions des révoltes arabes, a vu ses deux homologues, Ben Ali et Kadhafi, être chassés du pouvoir ; il redoute d’être le prochain sur la liste.
"L’autoritarisme moyenâgeux du régime libyen arrangeait parfaitement ‘les affaires’ du pouvoir algérien en crise cyclique de légitimité. Et aujourd’hui que la tête de Kadhafi est mise à prix par le CNT libyen, on se sent presque "solidaire" dans les palais d’Alger avec le colonel en fuite", écrit le journaliste algérien Fayçal Métaoui, dans une tribune enflammée d’El Watan le 26 août.
Comment l’Algérie peut-elle alors ne pas se sentir directement visée par les déclarations du ministre des Affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, qui affirmait, le 22 août à Addis-Abeba, que "les événements en cours en Libye sont une leçon pour les dirigeants de la région. Ils montrent que ceux qui n’écoutent pas leur peuple ne peuvent pas rester au pouvoir".
Mais si l’Algérie connaît les mêmes frustrations que ses voisins, la poignée de manifestations qui ont lieu depuis janvier dernier ont été presque toujours étouffées. Les revendications sont restées éclatées par secteur socioprofessionnel, sans trouver de voix commune ni l’élan d’une colère collective.
"L’Algérie sort d’une décennie noire de guerre civile qui a commencé en 1992. Il y a un vrai traumatisme dans la population qui se montre donc réticente à destabiliser l’État et à retomber dans le chaos", tempère cependant le journaliste de FRANCE 24 Abdallah Ben Ali.
Pour éviter le chaos social, Abdelaziz Bouteflika est donc resté sans voix et sans diplomatie ; une omerta qui risque peut-être de le laisser sans avenir.
*Sarah LEDUC, France24