Droit de vote des étrangers: François va-t-il tenir la 50e promesse du candidat Hollande?
Les réactions politiques se multiplient depuis la publication d’une tribune signée par 75 députés socialistes en faveur du droit de vote pour les étrangers. Les écologistes rappellent qu’il s’agit de la 50e promesse du candidat Hollande tandis que la droite réclame un référendum. Pour le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, le droit de vote des étrangers n’est ni « une revendication forte » de la société ni « un élément puissant d’intégration ».
"La réforme doit intervenir rapidement, pour se donner les moyens de l’appliquer lors des prochaines municipales" de 2014, écrivent ces élus de diverses sensibilités. Et de lancer: "A celles et ceux qui nous disent que c’est trop tôt, et qu’il faut prendre son temps, nous répondons que c’est en commençant maintenant que nous aurons la possibilité de prendre notre temps pour faire cette réforme" qui "ne se fera pas en un jour" car elle nécessitera une réforme de la Constitution et "changera la nature du corps électoral".
Parmi les 75 signataires de cette tribune figurent Karine Berger, secrétaire nationale à l’économie pressentie pour devenir adjointe au porte-parole du PS, Elisabeth Guigou, Patrick Bloche, Laurence Dumont, Sandrine Mazetier, Christian Paul, Jean-Jacques Urvoas, Razzy Hammadi, Annick Lepetit, Patrick Menucci ou encore Axelle Lemaire, députée des Français de l’étranger (Europe du Nord).
"Loin d’être votée à la va-vite, (cette loi) doit au contraire être discutée publiquement pour en expliquer la portée et sa contribution à une République réconciliée avec ses citoyens", ajoutent-ils.
Qualifiant de "courageuse" la 50e proposition du candidat Hollande, reprise d’une proposition de François Mitterrand en 1981 jamais réalisée, ces députés plaident pour que le statut des étrangers "passe enfin de celui d’invisibles à celui d’acteurs de la vie locale". D’autant que, lors de sa campagne présidentielle, François Hollande a fait preuve de "droiture face à ses engagements" lors du débat télévisé avec Nicolas Sarkozy: "il a su démonter l’épouvantail du communautarisme brandi par M. Sarkozy.
Une loi constitutionnelle sur le droit de vote des étrangers a déjà été adoptée au Sénat en décembre 2011. Mais le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone a jugé en juillet un référendum nécessaire "parce que nous n’avons pas les trois cinquièmes des voix aux Sénat et à l’Assemblée pour inscrire ce droit dans la Constitution". Il faudra attendre "un moment de maturité, pour que le oui ait une chance sérieuse de l’emporter", selon lui..
Dans la 50 de ses 60 propositions de candidat, M. Hollande promettait d’acorder le droit de vote aux élections locales "aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans". Le 2 mai il avait affirmé être prêt à aller jusqu’au référendum.
Fillon demande à Hollande de renoncer à sa promesse
"Je demande solennellement au président de la République de renoncer à ce projet de donner le droit de vote aux étrangers", a déclaré François Fillon ce lundi lors d’un meeting à Boulogne-Billancourt. Le candidat à la présidence de l’UMP souligne que François Hollande "sait que ce sujet va créer un débat très violent à l’intérieur de notre pays" alors que "c’est déjà suffisamment difficile comme ça".
L’ex-Premier ministre implore ainsi le chef de l’Etat de retirer le projet de loi: "S’il est à la hauteur de la responsabilité qui lui a été confiée par les Français, même si sa conviction, c’est que les étrangers doivent avoir le droit de vote aux élections locales, il doit retirer ce projet de loi"
Europe Ecologie-Les Verts
EELV "réaffirme son attachement à la citoyenneté de résidence et demande au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour que la loi constitutionnelle soit menée à terme avant l’été 2013" dans un communiqué signé par les porte-parole Elise Lowy et Jean-Philippe Magnen. "Cette revendication est une promesse du candidat François Hollande, plus précisément sa 50e proposition de campagne du président Hollande.
Valls: le droit de vote aux étrangers n’est pas "une revendication forte" de la société.
"Est-ce que c’est aujourd’hui une revendication forte dans la société française? Un élément puissant d’intégration? Non", déclare le ministre de l’Intérieur dans Le Monde daté de mardi. "Ça n’a pas la même portée qu’il y a trente ans. Aujourd’hui, le défi de la société française est celui de l’intégration", ajoute-t-il. "Attention à la jonction droite-extrême droite sur ce sujet. Il faut bien évaluer les conséquences d’un referendum, pas seulement en termes de résultats mais aussi de déchirure dans la société française", met en garde Manuel Valls dans le quotidien. "Ce débat risque de provoquer des fractures. Dans un moment de crise, on voit bien comment cela peut être utilisé, agité", dit-il.
Auteur et signataire de la tribune au Monde, le député socialiste Razzy Hammadi relativise les propos de Manuel Valls : "Je peux comprendre qu’aujourd’hui, pour lui, ça ne soit pas une priorité", qui ajoute toutefois : "Si on se situe de son point de vue, dans ce cas-là, le mariage pour les couples du même sexe ou la réforme sur le cumul des mandats ne sont pas une priorité non plus."
61% des Français pour
Une majorité de Français (61%) est favorable au droit de vote des étrangers non européens aux élections locales, selon un sondage BVA paru lundi 28 novembre dans "Le Parisien", alors que le Sénat, à majorité de gauche, doit examiner le 8 décembre prochain une proposition de loi en ce sens.
A la question seriez-vous pour "étendre" le droit de vote aux élections locales aux étrangers venus de pays non membre de l’UE, "en situation régulière et résidant en France depuis plus de 5 ans?", 61% des personnes interrogées répondent par l’affirmative, 38% par la négative et 1% ne se prononcent pas.
Gaël Sliman (BVA) note que "sociologiquement, le sujet fait presque l’unanimité". "Cette adhésion est majoritaire (mais à des niveaux très variables) dans la quasi totalité des catégories de population. L’adhésion passe ainsi de 75% auprès des 25-34 ans à 51% auprès des seniors et de 72% auprès des cadres à 60% auprès des ouvriers", relève-t-il.
Il constate en outre que "l’acceptation de ce droit de vote a fortement progressé depuis ces dernières années (+6 points depuis janvier 2010), tout particulièrement auprès des sympathisants de droite (+15 points), même si ceux-ci y restent majoritairement opposés". "Ces derniers étaient seulement 28% à y être favorables en janvier 2010, ils sont à présent 43%", écrit-il.