Comment tombe-t-on dans le fanatisme religieux?

Comment tombe-t-on dans le fanatisme religieux? Voilà une question que l’on peut se poser face aux événements d’hier. Comment expliquer que des êtres humains puissent perdre la raison au point d’en venir à ce genre d’actes barbares? Comment peut-on en arriver à pouvoir tuer pour une idéologie, peu importe laquelle? Vassilis Saroglou, professeur à la Faculté de psychologie à l’UCL, responsable du Centre de psychologie de la religion et président de l’International Association for the Psychology of Religion, a accepté de nous aider à comprendre comment certaines personnes peuvent en arriver là.

Tout d’abord, il est important de comprendre qu’on ne tombe pas dans le radicalisme du jour au lendemain, c’est un processus lent, le "résultat d’une interaction entre personnalité et facteurs liés à l’environnement et au contexte". Ce à quoi il faut ajouter d’autres facteurs avant de passer d’un fondamentalisme "latent" à l’action.

Quel est le profil de ces personnes?
"Ces personnes ne sont pas forcément moins intelligentes, ou en manque d’éducation, par contre ce sont souvent des personnes qui ont un besoin excessif de structure, qui ont besoin d’avoir des réponses à tout prix et ressentent donc une aversion profonde pour une société perçue comme désordonnée. Elles développent souvent une morale excessive, parfois comparable à l’adolescent ‘horrifié’ par ce qu’il perçoit comme l’hypocrisie du monde des adultes ou des puissants. Cela peut aussi être le moralisme malsain de celui qui se prend pour le justicier et veut passer à l’acte pour rétablir l’ordre moral".

"Au niveau émotionnel, ces personnes peuvent rencontrer de grandes difficultés émotionnelles, affectives ou relationnelles d’origines diverses et variées: sentiment d’insécurité; de honte; de rigidité morale et/ou religieuse qui limite l’empathie; ou enfin d’insatisfaction dans les relations amoureuses et sexuelles".

Quels peuvent être les facteurs environnementaux?

"Toute situation et tout évènement qu’il soit familial, social, économique, politique, etc., qui risque d’éveiller, solidifier ou amplifier les éléments mentionnés ci-dessus. Notamment, des situations qui accentuent l’impression d’un monde désordonné, éclaté, injuste, immoral. Par exemple, en cas de conflit de valeurs culturelles (exemple: leur ridiculisation par des caricaturistes); d’identités multiples (ethnie, religion, nationalité) perçues comme incompatibles entre elles; d’événements qui mettent au grand jour la fragilité personnelle (échec, abandon, rupture…)".

La rencontre avec une idéologie vient alors offrir la promesse, subtilement ou explicitement, d’une estime de soi et vient créer l’espoir ou l’illusion de devenir quelqu’un d’unique ou de moralement purifié.

À quel moment intervient le passage à l’acte?
"Ces facteurs sont aléatoires et imprévisibles: peut-on prédire quand quelqu’un est capable d’un jour tuer ou au contraire faire un acte héroïque? Les événements déclencheurs (positifs ou négatifs) touchent généralement le coeur de qui nous sommes ou sont interprétés comme tels. Comme par exemple: j’ai fait LA rencontre de ma vie et j’ai enfin trouvé LA personne qui a vu en moi qui je suis et quel était le but de ma vie".

Radicalisme islamiste contemporain

"Deux éléments s’ajoutent au tableau concernant le radicalisme islamiste contemporain. Premièrement, les radicaux islamistes européens descendant de l’immigration, proviennent le plus souvent de cultures collectivistes qui soutiennent des valeurs qu’on considère dans les pays occidentaux comme un peu archaïques ou secondaires par rapport aux valeurs liées au bien-être de chaque individu et à l’égalité des droits. Il s’agit en particulier de l’honneur (on venge le prophète pour laver le déshonneur qui lui a été fait), de la loyauté envers le groupe (je me montre "solidaire" par rapport à mes "frères" de la même ethnie ou religion qui "souffrent" à l’autre bout du monde), du respect de l’autorité et de la préservation de l’"ordre naturel et divin" des choses (les femmes "ne s’habillent pas comme les hommes", l’homosexualité "est une abomination"…)".

"En deuxième lieu, il y a une différence entre les cultures collectivistes (qui valorisent le modèle du héros à l’ancienne qui brille par sa bravoure) et les cultures modernes (où le héros altruiste se soucie des autres). Les idéologies islamistes contemporaines qui promeuvent le terrorisme ont réussi à créer un idéal (pervers) particulièrement séduisant pour un certain type de personnes, notamment pour les jeunes. C’est un modèle du héros-saint, qui marie la bravoure héroïque au mépris des risques avec l’idéal du saint qui accomplit une mission quasi divine et altruiste pour la communauté".

Par: Caroline Albert
Source 7sur7

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