Ces épiceries amazighes qui continuent d’imposer une concurrence acharnée aux hyper et supermarchés

N’existe nulle part au Maroc un quartier vide de son ‘’épicerie amazighe’’ ouverte tous les jours y compris le dimanche et les jours des fêtes. Le mérite revient à nos amis Soussis qui ont choisi, dans les années 70, de quitter leur région pour lancer dans plusieurs villes du Maroc leur petit commerce familièrement appelé ‘’Ali-mentation’’ .

‘’Tout le monde a sa petite boutique, mais la mienne diffère des autres’’, se vante Noura, une voisine du quartier Riyad de Meknès. D’abord par son emplacement à une trentaine de mètres de sa demeure, ensuite par sa disponibilité (ouverte jusqu’à une heure tardive), et aussi par la diversité et la variété des produits qu’elle expose, allant de boîtes de conserves et de fromage jusqu’aux cartes téléphoniques, en passant par les produits alimentaires, les produits cosmétiques et d’hygiène, les biscuits et gâteaux, les fruits légumes, les surgelés, le gaz butane, les cigarettes en paquets ou en détails sous le comptoir.. ‘’On y trouve même des parfums, du chocolat et des bonbons offerts aux enfants des clients’’, renchérit cette institutrice avoisinant la cinquantaine.

Par Houda Alfchtali

Dans cette boutique qui échappe à tout arrangement esthétique, des dizaines de produits de première nécessité, certains jetés pèle mêle, d’autres exposés minutieusement aux regards des consommateurs du quartier qui sont, pour la majorité, de jeunes couples, des célibataires, des ménagères ou des étudiants à court de lait, d’huile, de sucre ou de fruits.. Ces épiceries continuent d’imposer une concurrence acharnée aux superettes (BIM), aux magasins grande surface ‘’Marjane’’, ‘’Carrefour’’, ‘’Belle vie’’ et autres magasins qui réinvestissent nos centres-villes depuis quelques années.

Le commerce chez ces dépanneurs de l’essentiel ne se réduit pas à une simple opération vente-achat dans leur petit coin amazigh, mais reflète surtout cette atmosphère chaleureuse et conviviale qui s’installe entre les individus du même quartier qui s’échangent et s’informent sur des questions allant du politique (la pension de retraite scandaleuse de l’ancien Premier ministre, Abdelilah Benkirane), jusqu’au petit appartement vide à louer pour un ami. Des célibataires aux personnes âgées, en passant par les familles ou les étudiants, tous répondent présents chez notre ‘’épicerie amazihe du coin’’, pour des achats réguliers ou de dernière minute et aussi pour des moments de convivialité. Certains y viennent même pour emprunter de l’argent pour boucler les fins de mois. Ni les cafés, ni les centres culturels ou sportifs, ne remplissent aujourd’hui cette fonction d’échange et de convivialité entre clients.

Et si pendant des décennies à Meknès, comme dans toutes les villes du royaume, la ‘’boutique amazighe’’ donnait l’image d’épicerie de quartier encombrée de fruits-légumes et de produits de première nécessité, il est aujourd’hui synonyme de lieu d’échange social et d’émulation mutuelle.

Dans son étude sur le commerce indépendant réalisé récemment par le grossiste ‘’Ataqaddw’’ à Casablanca, le principal atout du commerce alimentaire indépendant  par rapport aux hyper et supermarchés est sans surprise l’échange et l a convivialité, avec 58% des réponses. Preuve que le client à tendance à acheter un service avant tout. Et preuve aussi que ces hommes qui sous l’appellation familière mais triviale de de « soussis », offrent dans leur petit univers chaleureux, un coin de convivialité, voire même d’humanité.

Sauf qu’une question revient à chaque instant peser fort sur ces dépanneurs des quartiers. La nourriture de ces petites épiceries serait-elle bonne pour la santé des clients ? La réponse est oui selon les services d’hygiène et de contrôle de Meknès qui n’ont enregistré que 4% de contravention sur les 1 200 à 1 300 épiceries indépendantes dans la cité ismaélienne.

Selon les experts commerciaux cités dans l’étude d’‘’Ataqaddaw’’, ‘’le modèle des supermarchés ne correspond que très peu aux attentes de la société marocaine’’. D’autant que la proximité, les facilités de paiements, l’indisponibilité des jeunes couples, sont des éléments favorables aux boutiques amazighes.

En gros, la personnalisation client, l’accueil, la convivialité, la disponibilité, la souplesse dans l’exécution, …sont autant de facteurs qui privilégient nos ‘’amazighs du quartier’’. Ne dépendant d’aucune hiérarchie, ces dépanneurs de l’essentiel sont les patrons disposant d’une large liberté pour apporter tout service utile à leurs clients et tisser les relations les plus amicales avec eux. Alors que le commerce sous enseigne, relevant de grands groupes, n’offre pas nécessairement cette disponibilité pour leur clientèle.

 

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