Algérie: une fin de campagne électorale qui nourrit les inquiétudes
Arrivée à terme dimanche, trois jours fermes avant le scrutin, la campagne de l’élection présidentielle en Algérie s’est refermée sur de graves accusations entre les camps du président sortant Abdelaziz Bouteflika et de son challenger Ali Benflis, ce qui ne fait qu’alimenter les craintes de dérapage, communément exprimées.
Tout au long de la dernière semaine de la campagne, lancée officiellement le 23 mars dernier, les interrogations ne se concentraient plus ni sur les programmes, ni sur l’identité du futur locataire d’El Mouradia, mais plutôt sur l’issue d’une élection qui s’est tendue au fil des journées.
"Le climat entourant cette élection est tel qu’il incite à craindre que le jour du scrutin les mécontents de tous bords laissent parler leur colère", avait écrit un commentateur du quotidien +El Watan+, qui se demande "de quoi sera fait le 17 avril" devant "le soudain recours à la violence qui fait craindre le pire".
Depuis les incidents de la ville de Bejaia qui ont conduit à l’annulation d’un meeting de soutien à Bouteflika, samedi 5 avril, la campagne est entrée dans une phase de crispation, du fait que cet épisode, comme les heurts enregistrés dans d’autres régions, ont sonné comme un signal d’alarme pour la classe politique et les observateurs, qui préviennent d’ores et déjà contre l’ouverture "des portes de l’inconnu" et les risques pesant sur la cohésion nationale.
En recevant samedi le chef de la diplomatie espagnole, Abdelaziz Bouteflika a accusé, sans le nommer, son rival, qui fut son Premier ministre, d’avoir appelé "à la violence" et de s’être livré à "du terrorisme à travers la télévision", probablement en allusion à la vive mise en garde contre toute tentative de fraude qu’il a lancée via une chaîne satellitaire arabe.
Prenant vraisemblablement la mesure de l’existence de dangers réels de violences postélectorales, le candidat Moussa Touati, qui avait à un certain moment menacé de "recourir à la violence" contre le parti pris de l’administration en faveur des représentants de Bouteflika, semble s’être ravisé aux ultimes instants de la campagne, au lendemain du face-à-face tendu, par voie de communiqués incendiaires, entre les équipes des deux principaux prétendants à la magistrature suprême.
Au cours d’une conférence de presse, le président du Front national algérien a lancé un appel "à tous les partis politiques sans exception ainsi que les associations, y compris le mouvement Barakat (fer de lance de la contestation anti-quatrième mandat, ndlr), afin de nous concerter sur la position à prendre pour prévenir tout éventuel dérapage pouvant intervenir lors ou après le scrutin".
Et pendant ce temps, le front du boycott compte investir la rue durant les trois jours du silence électoral, dans une dernière tentative de dissuader les citoyens de ne pas se rendre aux urnes, quoiqu’il est difficile d’apprécier l’impact de ces actions en l’absence de sondages sur les intentions des électeurs.
"Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps pour nous de crier notre indignation et protéger notre pays d’une impasse historique et d’une dérive certaine voulue par un système au service des puissances prédatrices", souligne le mouvement Barakat, qui annonce l’organisation d’un sit-in pour mercredi prochain au centre d’Alger.
La Coordination nationale pour le boycott, une coalition de partis et de personnalités politiques, a annoncé des rassemblements, entre lundi et mercredi, dans 6 villes du pays, à savoir Bechar (sud-ouest), Oran (Ouest), Constantine (Est), Chlef (nord-ouest), Batna (Est) et Ouargla (Centre).
Tout comme les jeunes militants de Barakat, la Coordination insiste sur le "changement pacifique" du régime pour sauver le pays du "désastre". Pour ce faire, la voie indiquée est la mise en place d’une période de "transition démocratique", puisqu’il "y va de la stabilité et de la sécurité de la nation".
Critiqué pour sa position de "ni participation, ni boycott", le Front des forces socialistes, principale formation d’opposition, semble avoir accusé le coup. Adhérant désormais à la vision de la quasi-totalité des acteurs politiques, le FFS a proposé la tenue d’une "Conférence de Consensus", en vue trouver "une issue démocratique et pacifique à la crise nationale".