Après une journée de consultations parlementaires, le chef de l’Etat Michel Aoun "a chargé Hassan Diab de former un gouvernement", a indiqué la présidence dans un communiqué.
Peu après ces consultations, Hassan Diab s’est rendu au palais présidentiel de Baabda à Beyrouth, où il s’est entretenu avec M. Aoun et le président du Parlement, Nabih Berri.
Répondant ensuite à la presse, M. Diab s’est proclamé "indépendant" et a assuré aux manifestants que leur "soulèvement" avait porté ses fruits, "en remettant la vie politique" du pays "sur la bonne voie".
Cet universitaire de 60 ans et ex-ministre de l’Education (2011-2014) a récolté 69 voix lors des consultations parlementaires, en majorité du Hezbollah et de ses alliés, dont le Courant patriotique libre (CPL) fondé par le président Aoun et le parti chiite Amal de M. Berri.
En revanche, il n’a pas obtenu le soutien des hauts responsables sunnites, au premier rang desquels le parti (Courant du Futur) du Premier ministre démissionnaire Saad Hariri.
Au bord de l’effondrement économique, le Liban vit depuis le 17 octobre au rythme d’un soulèvement populaire inédit contre l’ensemble de la classe dirigeante, accusée de corruption et d’incompétence.
Ayant obtenu la démission de M. Hariri et de son gouvernement le 29 octobre, les manifestants réclament inlassablement la formation d’un cabinet de technocrates indépendants du sérail politique au pouvoir depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
Rejet du bloc sunnite
Un temps pressenti pour être reconduit dans ses fonctions, M. Hariri a dit mercredi qu’il renonçait à sa succession.
"J’ai sérieusement oeuvré à répondre à la demande (des manifestants, ndlr) d’un gouvernement de technocrates, que je considérais comme le seul capable de résoudre la grave crise sociale et économique", a commenté M. Hariri.
Mais selon lui, l’opposition de ses rivaux politiques à sa proposition l’a poussé à renoncer.
Des dizaines de soutiens de M. Hariri se sont rassemblés après l’annonce du président devant la résidence de M. Diab pour chanter des slogans en faveur de leur champion.
"Nous sommes ici pour dire que nous rejetons Hassan Diab car il n’a reçu le soutien que de six parlementaires sunnites", explique à l’AFP l’un d’entre eux.
M. Hariri a répondu en appelant ses supporters à la retenue et à ne pas descendre dans la rue.
Dans plusieurs lieux de rassemblement à travers le pays, de nombreux manifestants ont afflué, beaucoup disant rejeter la désignation de M. Diab.
Ingénieur peu connu du grand public, M. Diab a été ministre de l’Education dans un cabinet dominé par le Hezbollah et ses alliés en 2011, après l’effondrement d’une coalition déjà dirigée à l’époque par Saad Hariri.
"Schisme sunnite-chiite"
Le système politique de ce pays multiconfessionnel est conçu pour garantir un équilibre entre les différentes communautés religieuses, avec un Premier ministre sunnite en principe soutenu par les principaux dirigeants de sa communauté.
Mais ces derniers n’ont donc pas apporté leur soutien à M. Diab. Des hauts responsables du Courant du futur ont précisé qu’ils pourraient ne pas faire partie du prochain gouvernement.
De quoi laisser augurer une tâche difficile pour M. Diab, dans un pays abonné aux interminables tractations dans la formation de ses gouvernements.
Peu après sa désignation, il a promis de former un gouvernement "le plus vite possible" et indiqué que les consultations commenceraient samedi.
Selon Imad Salamey, chercheur en sciences politiques à l’Université américano-libanaise (LAU), la nomination de M. Diab laisse supposer que le prochain gouvernement "sera dominé par le Hezbollah" et ses alliés.
Cette situation risque de réactiver la faille entre sunnites et chiites et de "noyer la révolution dans les discours confessionnels".
Sur son site internet, Hassan Diab se présente comme "l’un des rares ministres technocrates depuis l’indépendance".
Trois jours après le déclenchement de la contestation, M. Diab avait qualifié le mouvement d’"historique", écrivant sur les réseaux sociaux que "le peuple libanais" s’était "uni pour défendre ses droits à une vie libre et digne", dans un pays où environ le tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
La Banque mondiale prévoit une récession pour 2019 (au minimum -0,2 %).
La communauté internationale a conditionné toute nouvelle aide financière à la formation d’un cabinet réformateur. Et un gouvernement dominé par le Hezbollah, cible de sanctions par les Etats-Unis qui le considèrent comme une organisation "terroriste", risque de compliquer l’accès à cette aide.