La guerre contre l’Etat Islamique passe-t-elle par le Qatar ?
Bien avant que Paris ne puisse organiser son sommet international contre l’Etat Islamique, la guerre contre le terrorisme est décrétée par de nombreuses capitales arabes et internationales. C’est que l’Etat Islamique qui vient de frapper les imaginations occidentales par deux spectaculaires décapitations a provoqué une énorme onde de choc. La terreur en provenance de ce Proche Orient si compliqué vient d’atteindre des paliers dangereux. Cette accélération des événements a mis en lumière les grands acteurs de cette tragédie parmi lequel un pays comme le Qatar joue une dangereuse partition.
Par Mustapha Tossa
Bien entendu les autorités qataries ne se sont pas données la peine de mener une contre offensive pour infirmer ces accusations. Elles ont préféré laisser planer le doute et le gris. Une manière d’épaissir la mystification de leur soft power, d’augmenter l’indice du faire-croire de leur influence dans la région. Comme si elles appliquaient la sacro sainte règle: « on ne prête qu’aux riches".
Sur le plan régional, le Qatar est au cœur d’une puissante détestation. Parce qu’il était un des rares à soutenir le Hamas, Israël le perçoit comme un des pays qui soutient le terrorisme. La relation entre le Qatar et l’Egypte est si détériorée que le président Islamiste Mohamed Morsi destitué par Abdelfathah al Sissi va être jugé pour "avoir livré des secrets relevant de la sécurité nationale aux services de renseignement du Qatar et à des responsables de la chaîne d’information Qatarie Al-Jazeera (…) en échange d’un million de dollar". Le Qatar est par ailleurs régulièrement identifié comme l’un des responsables directs du chaos qui règne en Libye.
Avec les pays du Golfe, les relations sont empoissonnées entre Doha et les principales capitales de la région. Une ambiance de rupture et de défiance domine ses rapports au point d’aboutir à une sourde confrontation politique et diplomatique, avec un spectaculaire rappel des ambassadeurs le 5 mars dernier. Il est vrai que la tendance est à l’apaisement comme l’avait indiqué récemment le chef de la diplomatie koweïtienne à l’issu d’une réunion des pays conseil de coopération du Golfe:" Nous sommes convenus des bases et des normes pour surmonter au plus tôt" le contentieux avec le Qatar. Mais la méfiance est toujours de rigueur. Une méfiance renforcée pour le jeu trouble du Qatar dans de nombreuses crises de la région.
Alors que la guerre internationale contre l’Etat islamique est en train de s’organiser, le Qatar est ouvertement interpelé dans ses choix. Ironie de l’histoire géopolitique, les deux pays moteurs de cette guerre contre la terreur, la France et les Etats-Unis, entretiennent des relations très étroites avec Doha accusé d’avoir de l’empathie avec l’Etat islamique. Plus que jamais une grande clarification s’impose. Paris et Washington ne peuvent mobiliser les pays de la région dans une guerre sans merci contre l’Etat Islamique tout en continuant à tolérer qu’un de leur partenaire les plus stratégiques se permette le luxe ne pas observer une discipline efficace pour contenir le danger de l’Etat Islamique.
La grande guerre qui s’annonce contre l’hydre terroriste que représente l ‘État Islamique passe donc forcément par le Qatar, devenu depuis quelques années la Mecque de toutes les radicalismes. Ce constat, même s’il ternie la réputation du Qatar, est de nature à flatter les égos de ses dirigeants qui, depuis l’ère du Cheikh Hamad jusqu’à la gouvernance du Cheikh Tamim, ont voulu absolument que leur pays puisse devenir incontournable et jouer dans la cour des grands. Une grande ambition qui a été initiée par la poursuite d’une active politique de prédation économique qui avait vu la puissance qatarie se déployer sur les grands théâtres européens, suscitant par la même occasion jalousie, acrimonie et …interrogations.