Royaume-Uni : le casse-tête euro-américain de Keir Starmer
Le pays, qui cherche à redynamiser son économie pénalisée par la crise liée au Covid-19 et le conflit en Ukraine, doit trouver le juste milieu pour se réconcilier avec son voisinage européen sans pour autant “irriter” un puissant allié américain. Il s’agit aussi d’éviter la perspective d’une “guerre” commerciale contre le vieux continent. Dilemme pour le Premier ministre, Keir Starmer, qui a réussi il y a à peine cinq mois à conduire le Labour au pouvoir après 14 ans dans l’opposition.
Dans les rangs de l’opposition, menée par le parti conservateur, et des médias, le dilemme est sans cesse amplifié, même si le chef du 10 Downing Street l’écarte. « Nous ne sommes pas devant un choix entre notre alliance avec les Etats-Unis et des relations plus étroites avec l’UE », a dit M. Starmer lors d’un récent discours au Guildhall, siège du Lord Maire de la City, quartier financier de Londres. Avec l’Europe, M. Starmer veut une amélioration des relations pour réparer le “tort” causé par le Brexit. Downing Street fixe, cependant, une ligne rouge sur des questions cruciales notamment le retour à l’union douanière et la liberté de mouvement, un principe qui permettait aux ressortissants du bloc notamment de travailler et de s’installer en Grande-Bretagne. Les discussions sur de nouvelles relations anglo-européennes sont déjà entamées et devront reprendre durant le premier trimestre de 2025, même si le chemin est parsemé d’obstacles qui paraissent parfois insurmontables. Avec les Etats-Unis, les analystes estiment que le gouvernement Starmer doit surtout trouver « la potion magique » pour se rapprocher d’une administration républicaine qui « ne porte pas forcément les travaillistes dans son cœur », selon les analystes. M. Starmer et son équipe, certes, misent sur la relation spéciale qui a toujours lié Londres et Washington pour rétablir la confiance entre les deux alliés et dépasser « les malentendus ». Cependant, de nombreux dossiers brûlants sont sur la table.
Parmi eux figurent le libre-échange anglo-américain, les tarifs commerciaux, les relations avec l’UE et la Chine et le conflit en Ukraine. Afin de gérer tous ces dossiers, le gouvernement travailliste a fait appel aux services de Peter Mandelson, un poids lourd du labour, pour prendre le poste d’ambassadeur du Royaume-Uni à Washington. Première désignation d’une personnalité politique dans ce poste stratégique depuis plus de 40 ans. Âgé de 75 ans, M. Mandelson dispose d’une vaste expérience en particulier dans la gestion des dossiers économiques et commerciaux. Il avait occupé des postes ministériels clés sous les anciens Premiers ministres Tony Blair et Gordon Brown avant d’assumer le rôle de commissaire européen du commerce. Le choix de ce vieux renard du Labour et figure de l’Establishment britannique n’est pas fortuit. Surnommé « prince des ténèbres » pour son travail dans les coulisses sous Blair, M. Mandelson est, selon les analystes, l’architecte du passage du Labour au centre-gauche, un revirement qui avait permis au parti de conquérir le pouvoir en 1997 avec Blair. Il a également contribué au retour du parti aux commandes du pays à la suite des élections législatives de juillet dernier. Les analystes estiment qu’avec M. Mandelson en poste à Washington et Jonathan Powell au poste de Conseiller à la Sécurité nationale britannique, M. Starmer souhaite affirmer le positionnement du Labour au centre-gauche pour une meilleure collaboration avec Washington en ces temps de grandes incertitudes.