C’est l’histoire d’un président de la république française, Emmanuel Macron, qui pensait bien faire. Envoyer des messages de soutien à un pays, l’Algérie, qui traverse une bien mauvaise période économique et sociale et à son président, Abdelmajid Tabboune, soigné d’une forme grave du coronavirus en Allemagne. Il profitait d’une interview accordée à l’hebdomadaire « Jeune Afrique » trois années après son célèbre discours de Ouagadougou où il s’engageait à mettre fin à « La Françafrique », cette sombre nébuleuse de corruption et de passe-droits qui régissait la métropole avec ses anciennes colonies africaines.
Qu’elle ne fut la surprise à Paris quand quelques phrases sur le soutien français à « une période (algérienne ) transitoire » et le « courage » d’un président affaibli par une crise majeure et par la maladie déclenchèrent une tempête de critiques parfois aussi violentes qu’irrationnelles à l’encontre du président Macron.
Passé l’effet de la surprise sur les conséquences de ces déclarations, le président Macron peut à la limite se rassurer de voir que cette bourrasque de critiques lui vient aussi bien des cercles du pouvoir et des gardiens du temple qui l’accusent de s’arroger le droit d’octroyer des certificats de légitimité à un pouvoir indépendant élu par les urnes que des milieux du Hirak, mouvement contestataire, qui reproche à Macron de s’être rangé aux côtés d’un régime jugé illégitime qui pratique les violations de droits de l’homme et les arrestations arbitraires comme un mode de gouvernement au quotidien.
Un constat simple. Les Algériens ont réagi de manière épidermique à des propos, somme toute de circonstances presque langue de bois diplomatique. Le seul tort d’Emmanuel Macron est qu’il soit président de la France, pays avec lequel l’Algérie entretient une relation politiquement abrasive et historiquement effervescente. Si les mêmes propos ont été prononcés, à titre d’exemple, par la chancelière allemande Angela Merkel ou le Premier ministre britannique Boris Johnson, ils n’auraient presque pas soulevé un sourcil.
Ironie de l’histoire, Emmanuel Macron subit cette volée de bois vert de la part d’Alger alors qu’il est le premier président de la cinquième république à être disponible à aller très loin dans les gestes de la réconciliation mémorielle entre Français et Algériens. La mission confiée à l’historien Benjamin Stora, dont les recommandations vont être remis au Palais de l’Élysée courant décembre prochain, est destinée à paver la route à une grande réconciliation mémorielle entre deux pays et deux peuples bloqués dans leurs élans par des souvenirs de guerres atroces et de déchirures indélébiles .
L’autre lecture qui tende à justifier cette excitation algérienne a l’égard de son environnement a une relation avec la situation politique interne bloquée en Algérie. L’usage de la carte externe a toujours été utilisée par les cénacles du pouvoir algérien pour détourner l’attention et créer du consensus « patriotique » à bas coût. C’est dans ce contexte bloqué, sans horizons dégagés, qui s’apprête à vivre avec le président Tebboune un triste et paralysant remake des années Bouteflika , qu’il faut comprendre aussi la brusque montée d’adrénaline algérienne a l’égard du Maroc à travers l’épisode d’El Guerguerat.
Parce qu’elle a mangé tout son pain blanc sur le plan interne et qu’elle ne dispose plus de ressort politique pour assurer la continuité et la permanence de son système de prédation économique et politique, que l’armée algérienne aux commandes malgré des simulacres d’élections pourrait être tenté de se créer un ennemi extérieur pour justifier son rôle de mainmise sur le pouvoir. C’est le grand risque pyromane de l’Algérie d’aujourd’hui.