En face de la retenue de Nicolas Sarkozy, trois grands personnages de l’Etat ont eu à communiquer sur leur libération. Le président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer à l’origine d’une standing ovation des députés unanimes, l’intervention de François Fillon pour rendre un hommage appuyé aux service de l’Etat qui ont permis cette libération et Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, qui avait assuré le service après vente auprès des télévisons et de l’opinion nationale et internationale.
Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy rongeait son frein en silence. Il est vrai qu’il a été le premier à téléphoner à la campagne d’un des journalistes pour l’informer de leur libération. Cette nouvelle attitude est d’autant plus surprenante que tout le monde se souvient des images du Show organisé par l’Elysée pour accueillir l’ex-otage des FARC en Colombie Ingrid Betancourt. Personne n’a oublié non plus que Nicolas Sarkozy avait dès le début de son mandat fait de la libération des otages, à commencer par l’affaire des infirmières bulgares de Kadhafi, un grand vecteur de communication. Les français détenus par Aqmi au Sahel, l’affaire du soldat Franco-israélien Gilaad Shalit, détenu par le Hamas, sont toujours présentes dans l’actualité pour rappeler cette stratégie.
Le retour des deux journalistes de France 3 a donc été l’occasion de révéler un autre comportement de Nicolas Sarkozy basé sur la retenue, la discrétion et la non exposition. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce choix. Le premier est le conseil avisé de son entourage de ne pas se précipiter devant les cameras et donner l’impression de récupérer politiquement une affaire qui avait lourdement ému, par sa longévité, l’opinion publique française.
La seconde raison qui peut expliquer ce nouveau comportement est que depuis le début de cette affaire, Nicolas Sarkozy et son entourage ont eu des mots malheureux stigmatisant les comportements irresponsables des deux journalistes qui se sont eux même jetés dans la gueule du loup. Il y a eu même un haut gradé de la grande muette qui est venu se plaindre au micro des radios que les recherches et les tentatives de libération des deux journalistes ont déjà couté plusieurs millions d’euros sans que cela ne soulève la moindre indignation de sa hiérarchie politique et militaire.
La troisième raison est sans doute liée au contexte de campagne électorale que vit la classe politique française. Un spectacle télévisé à "la Ingrid Betancourt" aurait sans aucun doute poussé les grandes voix de l’opposition de la gauche comme celle de droite à s’enhardir et à poser les questions qui gênent, sur le secret de cette longue captivité, sur le prix qui a été payé pour obtenir leur libération. Bref, l’opposition aurait elle aussi été tentée de se payer sa "tranche" de communication sur cette affaire au risque de mettre Nicolas Sarkozy en difficulté en le sommant d’apporter des réponses à des interrogations qui nécessitent le silence des services de l’Etat.
Quelles que soit les raisons qui ont poussé Nicolas Sarkozy à résister à l’envie d’exploiter cette affaire, il n’en demeure pas moins qu’une telle stratégie entre visiblement dans l’effort de « re-présidentialisation" de son image et de sa posture entamée il y a quelques semaines. Cette stratégie consiste, sinon économiser sa parole, du moins à l’utiliser sur des thématiques qui ne produisent pas des polémiques. Une parole présidentielle, surtout si elle doit subir les contretemps d’une campagne électorale, se doit d’observer une hauteur de vue sélective et rationnelle, de ne pas donner l’impression d’une machine à exploiter tout ce qui bouge pour exister.