Zone Euro : inversion des calendriers monétaires et budgétaires
Quoi de neuf dans la zone euro ? Aux mêmes causes les mêmes problèmes. La nécessité de l’austérité est une idée qui va crescendo et finira par s’imposer. L’effondrement des Bourses européennes en a été la traduction, même si une vague « d’achats à bon compte » peut encore faire illusion…
L’Espagne, puis le Portugal et l’Italie viennent de faire des pas importants en donnant des tours de vis budgétaires drastiques. Le calendrier de l’austérité est avancé à 2010 au lieu de 2011. Le Royaume-Uni suit le mouvement. Et la France ne pourra rester à l’écart du mouvement, dans un splendide isolement.
Si l’on se refuse officiellement pour l’instant à parler de rigueur, les mesures prises en France par les pouvoirs publics illustrent la traduction concrète d’une politique d’austérité qui n’ose pas encore dire son nom : gel des dépenses publiques sur les trois prochains exercices budgétaires, contributions des hauts revenus pour le comblement des déficits sociaux, allongement de l’âge de la retraite… et certainement révision à venir d’autres « dogmes » jusqu’ici gravés dans le marbre.
La normalisation des politiques monétaires est remisée à plus tard
La « feuille de route » des grandes banques centrales de la planète paraissait très lisible au début de l’année : achever les programmes de rachats d’actifs (ceux-ci étaient quasiment bouclés…), réduire le volume des injections de liquidité sur le marché monétaire, et progressivement, sortir de la politique de taux zéro. A un horizon plus éloigné, les Etats auraient à revendre les actifs achetés par les banques centrales lors de la crise de 2008 (AIG, Fanny Mae, Freddy Mac, GMAC, la filiale financière de General Motors pour la Fed par exemple…).
Ce plan de « normalisation monétaire » se déroulait correctement au fil des mois, les deux premières étapes étaient en passe d’être bouclées, lorsque survint la crise de la dette grecque, bouleversant l’édifice comme un fétu de paille.
Les atermoiements et l’indécision des dirigeants européens à solutionner un problème, somme toute local, ont été du pire effet et provoqué un mouvement de défiance puis une panique généralisée. Evoquant la crise de la dette grecque, M. Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE ne déclarait-il pas : « il n’y a pas de « danger » de contagion puisque la contagion est déjà là. Elle se propage comme le virus Ebola. Quand vous l’avez contracté, il est déjà trop tard : il faut vous couper la jambe… ».
A l’instar des mesures décidées après la faillite de Lehman Brothers, la Banque centrale européenne (BCE) a du opérer un virage idéologique et sémantique à 180°, ressortant les mesures pour contrer l’assèchement des marchés interbancaires que l’institution venaient de démanteler voici quelques semaines (refinancement à 6 mois, réintroduction des adjudications à taux fixes, …) et se dédisant des engagements formels réaffirmés solennellement une semaine plus tôt. La BCE outrepasse son mandat en intervenant sur le marché de la dette publique des Etats.
En définitive, la hausse des taux directeurs qui aurait dû s’enclencher prochainement est repoussée à un horizon lointain et incertain, fonction de l’évolution de la situation économique et financière des Etats membres.
Le tour de vis budgétaire intervient beaucoup plus tôt que prévu
L’idée d’une nécessaire restriction des politiques budgétaires était certes admise, mais ne devait intervenir qu’une fois la crise traversée et la reprise retrouvée. La crise de la dette grecque a bouleversé cette planification optimiste. Sous la contrainte des marchés, les Etats sont obligés de s’atteler à de vastes chantiers d’assainissement des finances publiques. Les pays d’Europe du Sud bien évidemment, mais le mouvement touche également des pays peu vertueux comme le Royaume-Uni et la France, et gageons le, n’épargnera pas les Etats-Unis qui ne pourront faire l’économie d’une réduction significative de leurs déficits et leur dette publique.
Les dirigeants européens sont donc aujourd’hui confrontés à une situation complexe : ils doivent s’engager dans une rigueur budgétaire tangible, tout en sachant que trop de rigueur risque de provoquer une récession ou une rechute de l’économie. Mais les évènements récents nous prouvent bien que le laxisme financier est, à terme, synonyme d’instabilité financière et de décroissance.
Un facteur pourrait cependant apporter de l’oxygène aux entreprises européennes : la fin de la surévaluation chronique de l’euro contre le dollar et le yen favorisera la compétitivité des sociétés de la zone euro, avec des retombées positives sur l’emploi et les salaires. D’après les économistes du Crédit Agricole, « une baisse de 10% du taux de change effectif apporte un point de croissance supplémentaire pour la zone euro dans un délai de 12 à 18 mois ».