Tunisie: la suspension des salaires des membres de la HAICA suscite des craintes sur l’avenir de cette instance constitutionnelle
Régulateur de l’audiovisuel et organe clé du secteur des médias, la Haica a reçu la semaine dernière un courrier électronique de la part du secrétaire général du gouvernement l’informant de la suspension des salaires de tous les membres de son conseil à partir du mois de janvier prochain.
Eu égard à l’importance de ses attributions et son rôle de régulation dans un secteur médiatique en proie à plusieurs difficultés majeures, cette décision a déclenché de nombreuses interrogations sur les véritables motifs de cette démarche ainsi que des inquiétudes quant à l’avenir et la pérennité de la HAICA.
Dans une déclaration à la presse, Hichem Snoussi, membre du Conseil de la HAICA, a précisé que cette mesure ne concerne pas les fonctionnaires de l’instance, mais uniquement les membres de son conseil (3 retraités, un détaché et deux membres en service).
Cette mesure n’est autre que la « facture » que devra payer l’instance pour avoir défendu son indépendance et refusé de se faire entraîner dans le jeu des alliances, a-t-il fait valoir, qualifiant la suspension du versement des salaires de « mesure illégale », puisque la HAICA est une autorité qui exerce ses prérogatives de manière indépendante, loin de la tutelle du gouvernement.
Le membre du conseil de la HAICA a justifié la position de l’autorité envers la HAICA par le refus de celle-ci de signer une décision commune avec l’instance électorale tunisienne (ISIE) en 2022.
La HAICA avait exprimé dans un communiqué publié en novembre 2022, son rejet de la teneur d’une décision de l’ISIE, fixant de nouvelles règles et des conditions auxquelles les médias doivent se plier durant la campagne électorale et la campagne référendaire.
Le régulateur de l’audiovisuel tunisien a justifié sa réaction par les sérieux risques d’une orientation délétère pouvant mettre en péril la transparence, l’intégrité et la régularité de la couverture médiatique des élections, en violation flagrante de la Constitution et de la loi.
Cette décision infligée aux membres de la Haica intervient à un moment où les arrestations et les poursuites judiciaires contre les journalistes se multiplient davantage dans le pays, suscitant de vives inquiétudes parmi les professionnels et les défenseurs de la liberté d’expression quant aux restrictions croissantes de la liberté de presse en Tunisie.