Régionalisation: « Renforcer la démocratie »

Le juriste international et professeur à la faculté de droit de Casablanca, Abdelhamid el-Ouali, membre de la Commission consultative de la régionalisation mise en place par le roi Mohammed VI le 3 janvier dernier, nous explique les enjeux et le mode d’emploi de cette réforme. Entretien exclusif. Février 2010, Afrique Asie.

Régionalisation: « Renforcer la démocratie »
Propos recueillis par Marion Daumas
Le roi Mohammed VI a mis en place, le 3 janvier 2010, une Commission consultative de régionalisation.Quelle est sa mission ?

La mission confiée à la Commission consultative de la régionalisation (CCR) est de proposer un système de régionalisation pour tout le Maroc. Ce système doit être conforme aux spécificités marocaines.
Le roi a mis en garde la CCR contre tout placage d’un modèle étranger. Néanmoins, il a recommandé à la CCR de s’intéresser à toutes les expériences étrangères, afin d’en tirer tous les enseignements nécessaires et d’éviter de reproduire les erreurs qui ont parfois entaché certaines de ces expériences.
La CCR doit également être ouverte sur l’environnement politique et social marocain, afin que son apport final puisse coller, autant que possible, aux réalités marocaines. C’est là un principe majeur qui doit guider le travail de la CCR. Car la régionalisation ne se conçoit pas d’une façon abstraite : elle doit être le reflet des réalités et des attentes d’un pays dont l’ambition est de mettre tous les atouts de son côté afin de relever le défi constitué par la mondialisation et la nécessité du parachèvement du processus démocratique auquel une pièce maîtresse manquait encore : le développement de la démocratie territoriale. Par la régionalisation, l’État entend ainsi renforcer son assise démocratique et permettre à toutes ses régions de tirer profit d’une plus grande insertion dans l’économie mondiale.

Quels sont les enjeux et les implications d’une « régionalisation avancée» du Maroc ?

Les enjeux sont énormes car il s’agit, d’abord, de renforcer le processus démocratique qui a été initié voilà maintenant une dizaine d’années. Il s’agit aussi de permettre au Maroc de
tirer avantage de toutes ses potentialités économiques afin de réussir son insertion dans l’économie mondiale. Comme vous le savez, les régions sont devenues un vecteur important du développement
économique et social. Certains pays ont connu au cours des dernières années un développement sans précédent grâce au dynamisme de certaines de leurs régions. L’exemple de l’Espagne
est là pour le montrer. Mais, il faut le dire, il n’est pas donné à n’importe quel pays de se lancer dans une politique de régionalisation avancée comme le veut aujourd’hui le roi Mohammed VI pour le Maroc. Il faut que le pays concerné soit d’abord un véritable État-nation c’est-à-dire un pays où la congruence entre l’État et la nation est très forte. Or, le Maroc est l’un des rares pays du Sud à disposer d’un État dont les liens avec la nation forment un bloc solide. Il a, en outre, été bien établi que les monarchies ont plus de capacités que les républiques à se lancer dans des politiques ambitieuses de partage des pouvoirs et de mise en place de systèmes de régionalisation avancées. Quant aux implications de la régionalisation, elles ne sont pas moins importantes dans la mesure où le réajustement des pouvoirs qu’elle va engendrer aura pour effet de dynamiser la société marocaine et d’y encourager le développement du sens des responsa – bilités. Mais la régionalisation au Maroc aura nécessairement aussi des implications sur les pays voisins, car les territorialités régionales, surtout comme celles du Maghreb où les peuples sont étroitement liés par l’histoire, la religion, la culture et les traditions, sont sensibles à tout ce qui affecte chacune de leurs composantes territoriales et humaines. En termes clairs, l’exemple marocain fera forcément des émules dans la région.

La régionalisation est-elle à inscrire dans le cadre de l’initiative d’autonomie pour le Sahara occidental proposée par le Maroc pour trouver une solution au conflit ?

Le projet de régionalisation envisagé pour le Maroc n’a aucun rapport avec la question du Sahara. L’Initiative marocaine pour l’établissement d’un système de régionalisation reste toujours sur la table de négociation. C’est là un processus qui est totalement distinct de la régionalisation, qui doit concerner toutes les provinces du royaume, y compris celles du Sahara. Il aurait été injuste à l’égard des provinces sahariennes de les exclure de la dynamique de démocratisation et de modernisation dans laquelle se lance aujourd’hui le Maroc avec le projet de régionalisation. Le pays a choisi la voie de l’intégration de ces provinces dès leur récupération en 1976. Pauvres et dépourvues de toutes infrastructures économiques et sociales lors de leur récupération, ces provinces connaissent aujourd’hui un développement qui en fait une des régions les plus développées non seulement du Maroc mais aussi de l’Afrique. Elles disposent aujourd’hui de tous les atouts nécessaires pour intégrer la dynamique de régionalisation.

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