Poutine met l’Europe hors jeu sur la Syrie
On peut invoquer toutes les justifications qu’on veut. Quand Vladimir Poutine a décidé de lancer son initiative diplomatique sur la Syrie à travers sa fameuse réunion de Vienne, l’Europe était absente et son absence se remarqua de manière fracassante. Le casting d’un tel sommet qui avait capté l’attention mondiale est parlant et révélateur des actuels rapports de forces internationaux et régionaux sur le devenir de la crise syrienne. Aux côtés du ministre des affaires étrangères russe étaient présents ceux des Etats-Unis, de la Turquie et de l’Arabie saoudite.
Par Mustapha Tossa
L’objectif de cette initiative est de ne pas laisser le champ libre à la diplomatie russe de configurer comme elle veut les solutions proposées pour sortir de ce long tunnel dans lequel l’affrontement sanglant entre Bachar Al Assad et son opposition armée a fixé l’ensemble de la région. Laurent Fabius avait profité de cette rencontre pour redire les convictions de Paris sur le sujet :" Il faut être clair sur le fait qu’une solution politique doit conduire à ce qu’il y ait une autre perspective que quelqu’un qui est un criminel contre l’humanité"
Signe supplémentaire de nervosité et amertume française, la volonté de sa diplomatie de programmer dans les jours qui viennent une réunion des pays amis de la Syrie, forum dans lequel La France est la locomotive principale avec un objectif assumé par tous, la nécessité pour Bachar Al Assad de quitter le pouvoir, ou du moins de programmer un agenda clair, un calendrier politique avec au bout de sa logique la disparition politique du président syrien.
A cela, le président russe a répondu de manière tranchante. Il dit refuser ce qu’il appelle "le langage de l’ultimatum". Il profite aussi de l’occasion pour dénoncer le double langage de certains pays sur la crise syrienne: "Il est toujours difficile de mener un double jeu : dire qu’on lutte contre les terroristes et en même temps essayer de se servir d’une partie d’entre eux pour faire avancer ses pions au Proche-Orient et servir ses intérêts".
Entre la réunion de Vienne de la semaine dernière et celle de Paris des jours à venir, une divergence nette est en train d’opposer Russes et Français autour d’un point crucial, le destin de Bachar Al Assad. François Hollande veut programmer physiquement son départ tandis que Vladimir Poutine manœuvre par tous les moyens pour lui sauver la mise. La grande nouveauté qui accentue la solitude française sur le sujet est que des pays influents comme L’Amérique, la Turquie ou l’Arabie Saoudite sont en train d’épouser la religion russe en la matière. Sans parler que des partenaires européens de Paris comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne n’ont pas résisté à la séduction de la dialectique russe sur la Syrie en envisageant d’intégrer Bachar Al Assad dans la guerre contre Daech et donc de le réhabiliter inévitablement.
La stratégie russe paraît claire aujourd’hui: tout en continuant son tapis de bombes sur les bastions de l’opposition armée, tenter d’impliquer l’ensemble des acteurs dans la recherche d’une solution politique. Conséquence immédiate, obligation pour certains pays de clarifier et de stopper leurs aides aux groupes armés les plus radicaux qui combattent Bachar Al Assad. Ce qui aura automatiquement un impact majeur sur l’escalade militaire dans la région. Cette solution permet de gagner du temps avec au bout une logique et un objectif russe…Rendre la parole au peuple syrien à travers un processus électoral qui aura à choisir librement et à déterminer son destin. Dans cette configuration, il n’est pas certain, selon Moscou et Damas, que les urnes donneraient raison à l’opposition armée.