Paris: des artistes africains explorent les thèmes de la migration, des frontières et de l’identité

De Douala à Tanger, en passant par Ceuta et Alger, des artistes africains explorent les thèmes de la migration, des frontières et de l’identité dans un travail intimiste et mélancolique exposé à Paris, au coeur du quartier africain de la Goutte d’Or.

Baptisée « Zone Franche », l’exposition inaugurée mercredi soir, en ligne pour cause de crise sanitaire, est le fruit de deux années de travail entre trois structures artistiques au Maroc, au Cameroun et en France, explique Marilyn Douala Manga Bell, l’une des commissaires de l’exposition. « Nous avons rencontré une centaine d’acteurs locaux, des artistes, des commerçants, des associations, c’est une véritable aventure collective », souligne-t-elle.

Quatorze artistes camerounais, sénégalais, malgache, marocain, malien… ont au final été invités à travailler autour des thématiques du voyage, des flux de personnes, de marchandises et d’idées, à travers l’Afrique et vers l’Europe.

Le titre « Zone Franche », du nom de ces enclaves économiques présentant des avantages fiscaux pour attirer l’investissement, est rapidement devenu « une évidence » car il s’applique aussi bien à la Goutte d’Or, la « petite Afrique de Paris », qu’à Tanger et Douala, explique la commissaire.

« Et puis dans +zone franche+, il y a aussi les notions de franchise, et d’affranchissement », ajoute-t-elle.

La première partie de l’exposition est consacrée aux frontières, avec notamment l’oeuvre de l’artiste marocaine Fatiha Zemouri: de grandes cartes géographiques en tôle froissées comme par la main d’un géant, et jetées à terre dans « un geste de colère » contre les frontières et les murs de séparation érigés partout dans le monde.

Avec « Technicien de surface », le Camerounais Jean David Nkot, lui, fait le portrait de deux ouvriers bien réels de Douala, partis en quête d’Europe mais finalement restés sur le continent, qu’ils ont sillonné pour travailler. En arrière plan de leur visage, une cartographie imaginaire d’Afrique ponctuée des noms d’entreprise qui les ont employés: Eiffage, Vinci…

Dans la même salle, Saidou Dicko expose des dessins pleins de tendresse évoquant son enfance de petit berger peul, un peuple qui se joue des frontières justement, dans le nord du Burkina Faso.

Stratégie de survie et de résilience

Le deuxième volet de « Zone franche » interroge les stratégies de survie et de résilience dans un environnement hostile ou indifférent. C’est une photo de Sabrina Belouaar montrant la main pleine de bijoux d’une « vendeuse d’or » d’Alger, ces femmes veuves ou divorcées qui vendent leur dot et celle des autres pour survivre.

Ou encore « Bab Sebta », un film de l’artiste marocaine Randa Maroufi, qui observe le ballet des porteurs de marchandises dans l’enclave espagnole de Ceuta au Maroc et filme « la tension si particulière » aux frontières.

L’exposition explore enfin des thématiques plus intimes, car « les hommes voyagent avec leurs croyances, leur spiritualité et leurs rencontres », rappelle la directrice artistique Bérénice Saliou.

« Es-tu purifié? », l’oeuvre du Camerounais Salifou Lindou invite ainsi le visiteur à déambuler sur des nattes de prières multicolores en plastique très utilisées au Sahel, et sous des bouilloires en plastique servant aux ablutions, d’où s’échappent des musiques traditionnelles du Mali ou du Soudan.

En quête de ses origines, Smaïl Kanouté, qui se décrit comme « Malien à Paris et Français au Mali » a dressé pour sa part une constellation généalogique de son village familial au Mali, pour « retransmettre une mémoire de façon graphique », et jette, grâce à ses dessins et de petites vidéos tournées au village, des ponts avec ceux qui sont partis et ont fait leur vie en France.

L’exposition, à l’Institut des cultures d’Islam de Paris est prévue jusqu’en juillet et est pour le moment visible en ligne. https://www.institut-cultures-islam.org/zone_franche/

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