Otages au Niger : l’Aqmi suspectée (Le FIGARO)
La banche d’al-Qaida au Maghreb avait promis de s’en prendre aux intérêts français.
En janvier 2009, le groupe Areva a signé un accord avec le Niger qui ambitionne de faire de ce pays le second producteur mondial d’uranium grâce à l’exploitation du gisement d’Imouraren, considéré comme la deuxième plus importante mine d’uranium du monde. Areva produit déjà la moitié de son uranium au Niger. Présent depuis quarante ans, le groupe français y exploite deux gisements situés à 1200 km au nord de Niamey.
Le kidnapping des cinq ressortissants français pourrait être aussi une riposte à l’opération franco-mauritanienne menée le 22 juillet contre une base d’Aqmi au Mali pour libérer Michel Germaneau. Sept terroristes avaient été tués au cours de cette opération et Aqmi avait crié «vengeance» après avoir annoncé la mort de Germaneau, dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Tout comme Michel Germaneau, les cinq Français ont été kidnappés dans le nord du Niger, bastion de la rébellion touareg. Celle-ci réclame une «juste répartition » des revenus tirés de l’uranium et contribue à entretenir un climat d’instabilité dans ce pays victime, le 18 février, d’un coup d’État militaire. Il est possible que des groupes rebelles touaregs soient impliqués dans l’enlèvement des cinq Français. Bien que le trafic d’otages n’entre pas dans leurs habitudes, ces groupes pourraient être des «sous-traitants» d’Aqmi. Ils ont en tout cas démontré dans le passé qu’il leur arrivait de collaborer pour des raisons pragmatiques et non pas idéologiques avec cette organisation.
Le gouvernement français déclare «faire le maximum» pour assurer la sécurité de ses ressortissants dans le Sahel. Areva avait ainsi limité au strict nécessaire les déplacements de son personnel, une cinquantaine d’expatriés.
Groupes de trafiquants
Contrôler cette immense étendue désertique est une mission impossible. L’ennemi n’est estimé qu’à quelques centaines de combattants, mais il bénéficie de multiples complicités et demeure du même coup insaisissable. Depuis trois ans, les prises d’otages ont doublé dans la région. Elles sont généralement réalisées par de petits groupes de trafiquants qui opèrent pour le compte d’Aqmi. Ces prises d’otages constituent une source de «prestige» pour l’organisation salafiste en quête de nouvelles recrues, mais aussi une manne financière. Mardi, un conseiller du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, estimait qu’Aqmi percevait de manière régulière des rançons de l’ordre de 5 millions d’euros pour chaque otage libéré.
Au lendemain de l’annonce de la mort de Michel Germaneau, le président Nicolas Sarkozy avait promis que cet assassinat «ne resterait pas impuni». À l’instar de l’Algérie, qui adjure les États européens de ne pas faire le jeu des terroristes en acceptant de négocier avec eux, le chef de l’État français avait estimé que «payer des rançons » n’est pas «une bonne stratégie». Il faisait allusion à la libération, fin août, de trois humanitaires espagnols contre plusieurs millions d’euros.
Paris estime aujourd’hui que la coopération régionale et l’aide au développement constituent la réponse la plus adaptée pour lutter contre le terrorisme. Alger, qui s’est fixé pour objectif d’éradiquer les groupes islamistes armés opérant dans le Sahara, a mis en place, à Tamanrasset, un état-major opérationnel conjoint avec le Mali, la Mauritanie et le Niger. Malgré le soutien logistique de la France et des États-Unis, cette coopération peine à fonctionner. Le leadership de l’Algérie, pays où Aqmi a ses racines, est contesté par ses partenaires, et si la Mauritanie, dans le collimateur d’Aqmi, s’est engagée avec une certaine efficacité dans la lutte antiterroriste, le Mali, devenu une base arrière des groupes salafistes, hésite à en faire autant par crainte notamment d’être déstabilisé.