Nicolas Sarkozy a surpris par cette rapide diligence parce que dans le passé récent, il avait montré une vraie incapacité à trancher au point d’acquérir cette réputation de l’homme qui a peur de prendre des décisions. Encore fraiche dans les mémoires l’affaire Eric Woerth ou celle de Michelle Alliot Marie. La première s’expliquait par une grande proximité avec le présumé coupable, la seconde par la peur de secouer les grands équilibres de sa famille politique. Même s’il avait fini par se séparer de ces deux collaborateurs jugés fautifs, Nicolas Sarkozy ne l’avait fait qu’à reculons, donnant cette vague impression d’agir sous les coups de boutoirs de l’opposition et des médias.
Dans le cas de Georges Tron, la donne s’est révélée différente. Les accusations portées contre l’ex secrétaire d’état à la fonction publique interviennent dans un contexte inédit. Dominique Strauss-Kahn, icône socialiste qui était jusqu’à sa chute new-yorkaise le challenger le plus sérieux de Nicolas Sarkozy pour la prochaine présidentielle, croupit sous la résidence surveillée pour crime sexuel et est menacé de passer de longues années dans les prisons américaines.
L’explosion en vol de DSK pour une grave affaire de moeurs et la scandale planétaire qu’elle a provoqué, non seulement prive l’opposition d’une personnalité capable, selon les sondages, d’offrir une alternative à Nicolas Sarkozy, mais participe à jeter un regard nouveau sur le locataire de l’Elysée. Cette affaire a eu le don de remettre à zéro de nombreux compteurs, notamment celui des attaques de l’opposition sur la moralité de sa gouvernance. Ce n’est donc pas un hasard si ces derniers temps des hommes comme Jean François Copé, secrétaire général de l’UMP, et François Fillon, premier ministre ont bruyamment demandé à l’opposition de ravaler ses critiques sur la moralité, à voir le spectacle peu honorable que donne un des ses grands chefs sous le ciel américain.
La décision de faire démissionner Georges Tron proviendrait de cette crainte que l’opinion ne puisse confondre la déchéance morale contre laquelle se bat DSK et une affaire de harcèlement sexuelle qui secoue un membre du gouvernement. Nicolas Sarkozy semblait motivé dans sa décision de limoger Georges Tron par deux facteurs: laisser aux socialistes le monopole du scandale morale et sexuel, ce qui de facto anesthésie leur capacité à porter le fer sur le terrain moral et empêcher que Marine Le Pen, la nouvelle égérie de l’extreme droite ne se livre à son exercice favori de sniper qui tire dans le tas et qui semble faire mouche à voir sa fortune dans les sondages.
En se séparant de Georges Tron, Nicolas Sarkozy ne la fait pas dans la douleur comme s’il s’agissait d’un proche ou d’un intime. Georges Tron fait partie de ces prises de guerre que le Président de la république s’enorgueillit d’avoir pris à son ennemi intime Dominique De Villepin comme il l’avait fait avec une autre proche de Devillepin Marie-anne Montchamp. Il s’agit donc de se séparer d’une pièce rapportée dans le dispositif. Le noyau dur des sarkozystes l’avait accueilli avec presque la même délectation que celle qui avait accompagné le départ de Bernard Kouchner du gouvernement.
Pour Nicolas Sarkozy, il s’agit clairement de gagner la bataille de la morale que son opposition semble avoir, de manière conjoncturelle, perdu. Cette exercice n’est pas sans danger. "La jurisprudence Tron" fait courir à Nicolas Sarkozy le risque d’ouvrir la boite de pandore. Avec son lot de surprises et d’inconnus. comment réagirait le Président si dans les mois qui nous séparent de la présidentielle d’autres membres du gouvernement se révèlent être impliqués dans des scandales de moeurs du même acabit de ceux qui ont noyé DSK ou Georges Tron? Sa diligence actuelle sera mise à rude épreuve.