Et pourtant dés qu’un groupe de jeunes est interpellé sur les enjeux de ces élections, passé l’instant d’hésitation, les langues se délient et les enthousiasmes se libèrent. Comme le jeune Abdallah, habillé comme si le thermomètre frôlait le zéro, il trouve vite les mots pour dire ses convictions: " Moi je trouve qu’on ne peut parler de changement si les mêmes visages sont reconduits dans leurs fonctions. Un changement suppose des hommes neufs et des idées nouvelles". Abdallah qui, dans une vie pas si lointaine, menait des études d’ingénieur agronome, ne cache pas son penchant vers les idées islamistes. Il s’interroge même à haute voix sur les motivations de tous ceux qui les diabolisent. "Le plus important, dit-il dans une posture péremptoire, est qu’il s’intéresse à nos problèmes quotidiens ». A la question : « Vous apportent-ils des solutions ? ». La réponse se fait évasive : "Ils essaient mais ils nous ont promis des changements si nous votons pour eux. »
Cette certitude, Mohamed, un gérant d’une agence de location de voiture et ancien diplômé de la faculté des lettres, ne la partage pas du tout. Avec une véhémence toute militante, il lance que " Les jeunes marocains doivent savoir à qui accorder leur confiance, ne pas se laisser berner par des promesses et des mirages." Il dit haut et fort qu’il se rendra aux urnes ce 25 novembre mais pour "voter blanc….car aucun candidat n’a réussi à me convaincre". Mohamed a la dent dure contre cette campagne électorale. "Les candidats promettent tout et n’importe quoi…ce n’est pas crédible… "
Ce n’est pas du tout l’avis d’un groupe d’étudiants qui sirotaient un thé à la menthe à la terrasse d’un café. Kawtar est sûre d’elle avec une vision tranchée de la situation."J’ai de la sympathie pour le mouvement du 20 Février…j’ai déjà eu l’occasion de manifester avec eux mais je trouveen revanche leur appel à boycotter ces élections pas très responsable". Ce à quoi Anas, un grand gaillard au visage poupin, rétorque: " Je suis contre cette idée de boycott car elle ne sert à rien… Les gens doivent participer même s’il faut voter blanc. Rester sur le trottoir quand les autres se bagarrent pour le changement…ce n’est pas très malin". Malika et Rachad, eux, vont aller voter « pour peser sur le changement », disent-ils, et « parce que les absents ont toujours tort. » « Il faut que nous, jeunes, on s’engage dans la politique si non on aura toujours les mêmes têtes, les mêmes familles avec leurs enfants et leurs petits-enfants et aussi le même genre de promesses. »
La ville de Marrakech regorgent des ces jeunes pour qui le 25 novembre sera un vrai baptême électoral. La ville sort d’un profond traumatisme depuis le lâche attentat qui avait visé le café Argana sur la légendaire et combien symbolique place de Jamaâ El Fna. Et depuis, Marrakech peine à panser ses blessures. Les touristes sont certes de retour mais la plaie est toujours ouverte dans les cœurs des Marrekchi.
Même si le jeunes ne le disent pas aussi ouvertement, ce 25 novembre est porteur d’un espoir post traumatique. Il est vrai aussi que la ville de Marrakech comme les grandes cités du royaume comme Casablanca ou Fès seront scruté à la loupe. Y remporter la députation a valeur de test national et promet les cimes politiques. Dans les grandes luttes sociales, dans les aspirations au changement et à la reforme qui se sont exprimées ces dernières années, Marrakech a toujours été une ville symbole. À la fois foncièrement ouverte sur le monde et jalousement fière de son identité, sa dynamique est de celle qui peut "impacter" tout un pays. D’où le grand intérêt qu’il y a à observer la grande respiration démocratique que ce 25 novembre peut lui procurer…