Maroc : Transition, quelle transition ?

Maroc : Transition, quelle transition ?
Voir les élections anticipées du 25 novembre au Maroc comme une nouvelle étape sur le chemin de la « transition démocratique » est une analyse erronée. Cette fameuse « transition » est en effet déjà décortiquée depuis une quinzaine d’années par les analystes. Référendums constitutionnels, alternance politique, renforcement de la présence féminine au Parlement et dans l’exécutif, tutelle vigilante des institutions internationales: le royaume, avec des succès divers, a déjà donné les gages de sa volonté de sa démarche de transparence.

En Tunisie, les islamistes de Ennhada, mais aussi les démocrates sincères, faisaient l’objet d’une traque quasi-quotidienne qui avait entraîné une véritable schizophrénie entre le débat politique toléré au niveau national et celui, passionné, qui prévalait dans les capitales étrangères, comme Paris, abritant les dissidents. « Ce non-dit politique est une véritable insulte à l’intelligence des Tunisiens » nous expliquait déjà en 2004 un universitaire tunisien constatant la mascarade d’un énième plébiscite présidentiel.

Les 90% ou plus de suffrages auxquels étaient abonnés les Ben Ali, Bouteflika ou Moubarak avaient fini par lasser les plus endurants commentateurs politiques.

Vendredi, l’élection anticipée qui aura lieu au Maroc présente en revanche un réel enjeu : quelle majorité pour quelle politique ? Comme dans les démocraties occidentales, les urnes exigeront un cap de gouvernance. Rien de moins, serait-on tenté de dire, mais aussi rien de plus. L’alternance partisane n’est plus depuis longtemps un gros mot dans le royaume. Quand en 1998, le socialiste Abderrahmane Youssoufi s’est installé à la Primature, même les plus craintifs des diplomates n’ont pas fait leur malle en prévision d’une crise de régime. Le décès de Hassan II en juillet 1999 et la transition monarchique ont impressionné la communauté internationale par sa fluidité. Meilleur témoin de la confiance en cette stabilité: la présence des plus importants chefs d’Etat étrangers à Rabat, de Bill Clinton à Jacques Chirac, pour rendre hommage au défunt monarque.

Les soubresauts terroristes de 2003 ou de mars 2011 ne sont pas non plus parvenus à ébranler la confiance des partenaires étrangers du Maroc comme en témoigne notamment la résistance du niveau de fréquentation touristique et des investissements étrangers. Quel que soit donc le résultat des urnes vendredi, qui oserait douter de la normalité du lundi suivant à Rabat, Casablanca ou Marrakech ? Les trains circuleront. Les fonctionnaires, les agriculteurs et les ouvriers seront à leur tâche. Les hommes d’affaires feront vibrer leur carnet d’adresses. Parce que le Maroc n’est plus en phase de « transition » démocratique. Il est en phase de maturation démocratique, une réelle exception au niveau continental.

Les brutales convulsions de la place Tahrir au Caire ou de l’avenue Bourguiba à Tunis étaient le prélude d’une nouvelle ère politique. Même régulières, même légitimes, les revendications du mouvement du 20 février n’ont en revanche jamais déstabilisé le socle du pacte monarchique au Maroc. L’enjeu du 25 novembre est davantage dans la participation à ce scrutin décisif et à la maturation de la classe politique qui, au delà de mesquins enjeux partisans, doit réaliser l’immense attente de plusieurs générations d ‘électeurs fatigués de promesses non tenues, de transhumance opportuniste et de corruption à la petite semaine.

Une évolution somme toute partagée par nombre de citoyens européens qui signifient leur congé à des exécutifs déconnectés de leur base électorale. L’authentique opposition marocaine n’a plus besoin depuis longtemps d’exprimer cette conviction depuis Paris, Londres ou Madrid.

(Atlasinfo)

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