Premier grande leçon de ce scrutin est le taux de participation fort intéressant. La courbe de ce taux était au cœur d’une sourde bataille de légitimité et de réelle représentation. S’il était bas, tous eux qui avait fait de l’abstention et du boycott leur cheval de bataille allaient célébrer dans la rue leur réussite d’avoir été entendus et suivis. Le rapport de force aurait été entre les tenants d’un projet auquel l’adhésion est minime et une majorité silencieuse et indifférente. Or le taux de 2011, salué par beaucoup comme une vraie performance qui dément les oracles les plus pessimistes, marque au contraire l’incontestable adhésion des marocains à ce processus électoral. Ce taux indique un double message instantané. Il renvoie la marge les tenants de la philosophie abstentionniste. Il donne une légitimité sans faille à l’ensemble du processus et pose les jalons d’une réel restructuration du champs politique marocain.
Seconde leçon de ce scrutin est la poussée manifeste des islamistes du PJD. Il paraît clair aujourd’hui que le contexte régional marqué par un triomphe d’Annahda en Tunisie, d’une renaissance des frères musulmans en Egypte allait forcément influencer l’opération électorale marocaine. Il est tout aussi vrai que si le PJD a pu réaliser une telle performance, c’est parce qu’il a su aussi mener une campagne de proximité, aidée en cela par un réseau de relations aussi dense que variés qu’il a su habilement tisser dans différents secteurs de la société marocaine. Si on rajoute à cela qu’au lieu de mener une campagne agressive e vindicative, les icônes du PJD ont concentré leur stratégie sur la dénonciation de la corruption et l’appel à une nouvelle gouvernance, la séduction et la persuasion était au bout de cette logique.
Troisième leçon à tirer de ce scrutin est l’attitude des grands partis qui ont participé à cette opération. Le fait qu’au soir du scrutin, certains ténors ont reconnu leur défaite et salué la percée du PJD est une attitude nouvelle en soi qui témoigne d’une forme de sérénité et d’apaisement qui fait entrer le Maroc dans un cycle normal où les alternances par les urnes peuvent se passer en douceur. Ceux qui étaient au pouvoir hier se disent calmement prêt à prendre le maquis de l’opposition parlementaire pour faire vivre et animer cette jeune démocratie marocaine.
Quatrième leçon est le renouvellement inévitable de la classe gouvernante marocaine. Le nouveau gouvernement présentera fatalement un casting nouveau de dirigeants pour mettre en pratique une nouvelle politique et construire un nouveau discours Cette ré-configuration passera aussi par la nature des alliances que le PJD sera dans l’obligation de passer par gouverner. Dans ce contexte, il serait intéressant d’observer les subtiles dosages, les fins équilibrés qui vont pouvoir présider à la naissance du nouveau gouvernement.
Il est vrai aussi qu’au cœur des résultats de ce scrutin, l’apparition du PJD comme une force politique incontournable. Certains s’en réjouissent, d’autres s’en inquiètent. Tout au long de la campagne, son numéro Un Abdelilah Benkirane n’a eu de cesse d’adresser des messages pour rassurer sur le intentions de son parti. Un parti fortement attaché à la monarchie, qui veillera à ne pas réduire la marge des libertés des marocains. Son credo: lutter contre la corruption et installer une bonne gouvernance. Il faut dire que l’apparition du PJD comme force motrice du champs politique marocain a fait, sur un plan politique et symbolique, deux victimes collatérales. La première est l’autre groupe islamiste marocain non reconnu "Al Adl Al Ihsane". Le second est le mouvement du 20 février qui a misé toute sa fortune politique sur le boycott de ces élections et qui a vu les marocains passer outre et se ruer vers les urnes à hauteur de 45%. Aujourd’hui , un processus électoral est là. Il va donner naissance une nouvelle chambre des représentants et un nouveau gouvernement. Il est légitime par les conditions de son organisation et par le taux de sa participation. Une contestation et une critique audible et recevable sur le plan interne et international ne peut avoir comme théâtre que le parlement, siège de toutes les joutes et polémiques propres à l’exercice démocratique.