Mardi, à l’initiative du député des Hautes-Pyrénées Jean Glavany, le groupe socialiste à l’Assemblée organisait néanmoins des « rencontres de la laïcité ». L’occasion de comprendre un peu mieux le positionnement des socialistes ? Peut-être pas… Car si en introduisant les débats, Martine Aubry a taclé, à juste titre, un « président qui n’a pas grand-chose à voir avec la laïcité », l’inventeur du « concept pernicieux » de « laïcité positive », qui a multiplié les « attaques contre l’école publique », la même Martine Aubry s’est contentée d’un discours très vague sur le sujet, quasi professoral. Un discours en tout cas très éloigné des réalités auxquelles les élus locaux sont confrontés (mais qu’elle connaît pourtant très bien comme maire de Lille).
Aubry: «Plus on reconnaît les différences, plus on respecte les différences»
La Première secrétaire a tout de même insisté sur la nécessité, selon elle, de reconnaître « les différences » : « Plus on reconnaît les différences, a-t-elle expliqué, plus on respecte les différences. » Et de rappeler que le texte de la Convention nationale sur l’égalité réelle que vient d’adopter le PS reconnaît que « la société est diverse » et qu’en conséquence il faudrait « personnaliser les réponses » en matière notamment d’éducation ou de santé. Curieuse conception de la République — et de la laïcité par ricochet — qui, par essence, est censée reposer sur l’indistinction entre les individus…
Mais si Martine Aubry ne fait pas office de boussole fiable en matière de laïcité à la tête de son parti, le débat organisé au Palais-Bourbon montre que sa base (les élus locaux PS), elle aussi, est profondément déboussolée. À l’image de François Pupponi, député-maire strauss-kahnien de Sarcelles, social-libéral jusqu’au bout des ongles, capable de se réjouir que dans certains quartiers il y ait des écoles privées car elles permettraient, dit-il, que perdure « une certaine mixité sociale dans ces quartiers ». Capable aussi d’expliquer qu’il ne se voit pas refuser de prêter des salles municipales à certaines associations de peur d’être pris en défaut par la justice.
Le PS, un parti déboussolé au sommet comme à la base, à qui la journaliste Caroline Fourest invitée à intervenir à la tribune a voulu redonner un cap clair expliquant que si « ces questions ne sont pas résolues », la « transhumance » des électeurs de gauche vers l’extrême droite « va s’accélérer ». Une injonction reprise par nombre de personnes dans la salle à l’heure des questions. Et l’essayiste de prendre l’exemple de la fameuse mosquée parisienne de la rue Myrha. Un lieu de culte qui accueille, précise-t-elle, « un prédicateur salafiste qui fait recette » bien au-delà des frontières du XVIIIe arrondissement où elle se situe. Pour elle, le « raisonnement » du maire d’arrondissement Daniel Vaillant qui consiste à dire qu’il n’y a rien à faire, si ce n’est attendre que sorte de terre un lieu de culte capable d’accueillir tout le monde, est «totalement absurde». Le pays, selon elle, ne manque pas de lieux de culte et de salles prière (elle en recense 2 600 alors que le CFCM en comptabilisait 2 000 en 2008 ) et les adeptes de la rue Myrha le font à dessein.
En réponse à la multiplication de ce qu’elle appelle les « demandes particularistes », Caroline Fourest propose au PS de créer avant 2012 un « espace de formation des élus ». Cet espace devrait pouvoir leur permettre d’obtenir des réponses concrètes, à la fois respectueuses de la loi et des principes laïcs, lorsqu’ils sont sollicités sur des sujets comme les lieux de culte, les écoles et les cantines, les cimetières, les équipements sportifs et culturels, etc. Une institution qui pourrait trouver sa traduction, si la gauche l’emporte, dans la création d’un « médiateur » de la laïcité. Mais encore faut-il, pour que la gauche sorte victorieuse de la présidentielle, qu’elle accepte de débattre comme elle l’a fait mardi à l’Assemblée. Et de trancher aussi, comme personne ne semble vouloir le faire depuis si longtemps au PS…