La tension entre l’Iran et l’Arabie est à son comble
Le torchon brûle entre les deux pays. Il brûlait déjà depuis de longues années par ennemis interposés. Aujourd’hui le torchon entre Ryad et Téhéran est incandescent. Et les commentateurs les moins va-t-en guerre ne peuvent garantir que l’affrontement entre les deux puissances puisse rester aussi feutré et aussi indirect à travers des crises régionales où elles s’affrontent de manière impitoyable et meurtrière. Le facteur essentiel qui a installé cette nouvelle ambiance entre les deux pays est à trouver dans les événements dramatiques du pèlerinage qui ont vu mourir des pèlerins iraniens par centaines.
Par Mustapha Tossa
Actuellement au moins trois théâtres d’opération les voient croiser le fer politique et militaire. Le Yémen d’abord. L’Arabie Saoudite a réussi en un temps record à monter une coalition de pays arabes et bombarde quotidiennement, au nom de La défense de la légalité, des groupes Houtis, sympathisants locaux des iraniens et qui s’apprêtaient à prendre le pouvoir à Sanaa. La démarche a été jugée suffisamment grave par Ryad pour que l’Arabie Saoudite décide de recourir à la force pour empêcher l’accomplissement d’un tel dessein. Au jour d’aujourd’hui, à part le chaos sécuritaire qui distingue la situation yéménite, le bout du Tunnel reste invisible et la sortie de crise difficile à imaginer.
Le second théâtre d’opération qui voit s’affronter les deux puissances avec une farouche détermination est la Syrie. Tandis que l’Arabie avait mobilisé ses ressources et ses alliés pour démantèlent le régime de Bachar al Assad, quitte à dîner avec le diable, l’Iran avait fait de la défense de Bachar al Assad sa ligne rouge. Le précieux soutien militaire que les autorités iraniennes lui apportent ont permis de résister jusqu’à présent à toutes les tentatives de déstabilisation. L’Arabie Saoudite est régulièrement accusé par les Iraniens de financer les organisations terroristes qui ambitionnent de prendre le pouvoir à Damas.
Le troisième théâtre d’opération est le Liban. L’affrontement est beaucoup plus feutré mais non moins paralysant. L’Iran soutient à fond la milice chiite du Hezbollah qu’elle utilise comme une efficace arme de guerre pour protéger le régime syrien. L’Arabie soutient le mouvement politique de Saad Hariri, fils de Rafik Hariri dont le meurtre est implicitement attribué aux services syriens. L’affrontement entre Saoudiens et Iraniens au Liban est si puissant que le pays vit depuis longtemps sans président. Les factions libanaises aux multiples obédiences ne parviennent pas à s’entendre, mettant le pays en pilotage automatique, au bord de la déflagration confessionnelle.
Avant la signature du compromis international sur le nucléaire iranien, l’affrontement entre iraniens et Saoudiens pouvait être perçu comme un combat contre le satan chiite iranien, fourbe et retors dont l’ambition non dissimulée est de contrer les puissances sunnites de la région. Aujourd’hui, la communauté internationale, Américains et Européens en tête, a ouvert la voie de la normalisation de la situation iranienne. L’Iran est sorti du statut de pestiféré international à interlocuteur régional incontournable. Les Saoudiens avaient pesé de tout leur poids politique et énergétique dans la balance pour empêcher la dé-diabolisation de l’Iran mais sans succès.
Aujourd’hui ils doivent composer avec un leadership iranien décomplexé, libéré des sanctions internationale et dont la parole est devenue plus audible. En témoigne l’intervention de Hassan Rouhani, président iranien à la tribune des Nations Unies et dans laquelle il avait ciblé l’Arabie Saoudite avec une violence inédite sans que cela n’émeuve les alliés traditionnels du royaume saoudien. C’est cette nouvelle équation qui voit les iraniens revenir en force dans le jeu politique régionale qui peut être à l’origine d’actions aussi spectaculaires qu’inattendues. L’Arabie saoudite se trouve actuellement dans l’obligation de compter ses alliés dans cette grande et éternelle partie de jeux d’échecs entre Ryad et Téhéran où chacun mobilise ses pions et son armada.