La guerre contre Daech, une cause commune au Maghreb?

Alors que la plupart des observateurs s’attendaient à voir les pays maghrébins occuper les premiers rôles dans le casting du grand sommet international contre Daech, qui s’est tenu à Paris, qu’elle ne fut leur surprise de voir à quel point ces pays avait brillé par leur absence. Aucun de leurs ministres des Affaires étrangères ne figure dans la liste des délégations officielles venues bénir ce combat et lui donner une stratégie et une physionomie.

Par Mustapha Tossa

Cette absence n’avait reçu de la part des autorités françaises aucune autre justification que celle qui évoque vaguement une distribution de rôles régionaux. Aux pays du Golfe et du Moyen- Orient de traiter Daech qui a pris ses racines en Irak et en Syrie, à ceux du Maghreb de concentrer leur attention et leur énergie sur le foyer libyen devenu, depuis la chute de Khaddafi, source de déstabilisation du Maghreb et du Sahel.

Mais cette explication est vraiment courte et participe à jeter un voile d’interrogations sur la réelle efficacité d’une coalition militaire internationale voulue par les Américains et adoubée par les Français et dont la mission assumée est d’éradiquer ce dangereux groupe terroriste qui se cache sous l’appellation illusoire de "l’Etat islamique".

Même si la direction militaire de cette coalition affirme que dans sa mission de distribution de rôles, elle allait confier à des pays maghrébins comme le Maroc des tâches d’une sensibilité extrême de renseignement militaire, l’absence des pays maghrébins de la photo officielle de lutte contre Daech paraît être un mauvais signal adressée à une opinion maghrébine qui s’inquiète de la montée en puissance de cette organisation terroriste.

En effet plusieurs raisons justifient que les pays du Maghreb soient aux premières loges pour participer à l’éradication de Daech. Le Maroc est directement concerné par la présence d’un nombre important de jeunes marocains présents non seulement dans les rangs du soi-disant Etat Islamique mais aussi dans les sphères de son leadership. La grande crainte sécuritaire marocaine est de voir ces jeunes revenir sur le territoire marocain avec l’intention d’y commettre des attentats. Cette préoccupation marocaine est si puissante qu’il ne se passe pas une semaine sans que les services de sécurité du royaume ne démantèlent des cellules de recrutement dont l’objectif est de fournir de la main d’œuvre combattante à Daech . Sur le plan politique, le Maroc donne aussi un tour de vis sécuritaire à son arsenal juridique destiné à criminaliser l’intention prouvée des jeunes marocains qui aspirent à appartenir et à militer au sein de bandes armées ou d’organisations terroristes.

Le cas de l’Algérie est encore plus inquiétant. Il y a deux jours, toutes les lampes d’alerte ont viré au rouge lorsqu’une branche d’Aqmi, dirigée par un Algérien, Abdelamalek Al Gouri, qui porte le nom "les soldat du calife en terre d’Algérie", a prêté allégeance à Daech d’Aboubakr Al Baghdadi. Cette démarche a provoqué une secousse dans le petit cénacle des sécuritaires du Maghreb. Alors que tout le monde s’attendait à ce que Daech puisse profiter du chaos libyen pour y prendre racine et installer son noyau opérationnel, l’organisation terroriste choisit l’Algérie pour y monter sa branche maghrébine.

Le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie ont raison de s’inquiéter d’une telle évolution. Et ce pour au moins deux raisons politiques essentielles. La première est que cette installation intervient alors que le pays est en train de vivre une sourde bataille de succession pour dessiner les contours du pouvoir algérien post Bouteflika. Cette bataille ne se passe pas sans grincer les dentiers et casser les os comme en témoigne les derniers limogeages et autres mises forcées à la retraites opérés à la hache et dans la précipitation.

La seconde raison susceptible de susciter une sourde angoisse dans les capitales du Maghreb est de voir certains cercles du pouvoir algérien, non contents de l’évolution de la purge en cours, se comporter avec cette nouvelle donne qui voit émerger Daech en Algérie, avec la même opacité, le même mystère manipulateur que leur comportement à multiples interrogation avec les GIA algériens, les Daech des années 90. Si un tel réflexe et une telle politique se reproduisent en Algérie, ils pourraient générer une grande instabilité dans la région qui bénéficierait aux groupes extrémistes et constituerait une grande menace pour le Maroc.

Logiquement, la menace que fait peser Daech sur les pays du Maghreb devrait les inciter à rendre encore plus étroite leur coopération politique et sécuritaire. Avec le grand chaos qu’elle préfigure dans son agenda terroriste, Elle devrait être une raison suffisamment sérieuse pour les pousser à envisager de mettre de côté leurs divergences pour mener un combat commun contre ce qui est en principe leur ennemi commun.

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