Et si la gauche était le dernier rempart contre l’extrême droite ? C’est en tout cas le sentiment qui se dégage devant les multiplies mobilisations des partis qui affrontent une course contre la montre pour participer à ces élections législatives anticipées (30 juin-7 juillet), censées dérouler le tapis rouge de Matignon au patron du Rassemblement national Jordan Bardella pour succéder à Gabriel Attal.
Et contrairement à une idée installée par l’effervescence médiatique issue des résultats des élections européennes, la victoire annoncées aux élections législatives anticipées de l’extrême droite n’est ni actée ni acquise. Il est vrai que la fièvre de la victoire souffle sur le RN de Marine Le Pen et de Jordan Bardella avec une écrasante première place, suivie d’une tentative réussie de débaucher le président du parti Les Républicains Eric Ciotti, laisse présager une dynamique de conquête. Mais la mobilisation de toute la gauche française en un front populaire commun et d’une partie de la société civile rendraient probablement ces prévisions incertaines.
Et pour cause ! L’onde de choc de la probable arrivée de l’extrême droite aux affaires a été si puissante qu’elle a réussi à provoquer un tremblement de terre chez les partis de la gauche. Traditionnellement divisés, paralysés par une intense guerre des egos, ces partis de gauche aux idéologies multiples et variés, aux composantes aussi bigarrées que diverses, ont réussi l’exploit de former en un temps record ce nouveau front populaire.
Avec un programme politique commun à minima, une stratégie électorale qui pourrait démontrer une efficacité inattendue sur le terrain, ce Front populaire jouera aujourd’hui le rôle que le Front républicain avait joué en d’autres temps pour empêcher que la balance ne penche vers Jean-Marie Le Pen ou sa fille Marine Le Pen. La rapidité avec laquelle ce Front a été réalisé témoigne à la fois de l’urgence de la situation et la gravité des dangers qui pèsent à la fois sur les institutions de la République et sur le vivre ensemble.
Il est vrai que cette réalisation à gauche ne se fait pas sans douleurs ni grincements comme le montre les couacs provoqués par le patron de la France insoumise Jean Luc Mélenchon, accusé de profiter de cet élan unitaire pour régler des comptes domestiques avec sa mouvance, notamment en termes d’investiture. Mais les enjeux sont tellement immenses que ce couac peut s’apparenter à un incident de parcours mineur. Cette séquence politique dangereuse a par ailleurs précipité le retour en politique d’un ancien président de la République, le socialiste François Hollande qui a décidé de se présenter aux élections législatives. Avec cette motivation, le danger de l’extrême droite est tellement proche que personne ne peut rester indifférent ou les bras croisés.
Et justement devant cette vague de l’extrême droite qui s’annonce, la gauche française mise sur deux facteurs essentiels pour pouvoir démentir cet agenda annoncé. Le premier est la mobilisation massive des Français qui ont une dent contre l’extrême droite. Et ils sont nombreux mais connus par une tendance à bouder les urnes. Une forte participation qui mobiliserait les grands réservoirs des abstentionnistes pourrait facilement stopper cette dynamique de l’extrême droite qui a toujours profité de cet absentéisme électoral.
Second facteur est à trouver dans le fait que le choc de l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, cette fois plus sérieux que jamais, aurait réussi à remuer des franges de la société qui disposaient du droit de vote et qui ne l’ont jamais utilisé par une sorte de défiance ou d’incompréhension à l’égard d’un système dont ils se sentaient exclus. Aujourd’hui alors que toutes les alertes sont au rouge face au danger, les banlieues, autant de réservoirs de votes très peu ou rarement utilisés, peuvent se mobiliser pour donner à ce Front de gauche l’assise électorale dont il a besoin pour faire barrage à l’extrême droite.
Dans tous les cas de figures, ces élections législatives sont placées sous le signe d’un grand suspense où tous les scénarios sont possibles. Un raz de marée de l’extrême droite avec Jordan Bardella à la tête du futur gouvernement ; Une victoire de la gauche avec une possibilité de choisir le futur Premier ministre parmi ses rangs ou une incapacité pour aucun parti de dominer l’Assemblée qui deviendra par la force des choses ingouvernable. Ce dernier scénario est la cauchemar du président Emmanuel Macron qui le mettra face à un pays paralysé, incapable ni d’avancer ni de reculer et qui lui imposera sans aucun doute d’autres choix et d’autres sacrifices pour sortir la France de cette dangereuse ornière.