La France mobilise contre l’Etat islamique

L’idée est séduisante et elle est française. Lors de son dernier discours devant la conférence annuelle des ambassadeurs, le grand rendez vous diplomatique de l’année, le président français François Hollande est revenu à la charge pour signifier que l’initiative est en pleine gestation. Il s’agit de réunir tous les acteurs régionaux et internationaux pour procéder à une vraie évaluation du risque terroriste que représente l’Etat Islamique et surtout concocter une stratégie globale pour sinon l’éradiquer, du moins limiter son impact.

Par Mustapha Tossa

François Hollande ne rate vraiment aucune occasion pour décrire à profusion les enjeux d’un tel sommet. Avec une grande implication qui rappelle dans ses intonations ses aventures militaires africaines, il avait expliqué les raisons qui l’ont poussé à proposer cette initiative : "Elle vise, dit François Hollande, à améliorer la coordination (quand je dis « l’améliorer », c’est l’organiser) de l’action internationale contre l’Etat islamique, sur les plans humanitaire, sécuritaire mais aussi militaire. C’est le sens de la conférence internationale que la France propose de réunir ici même, à Paris, dès lors que le gouvernement irakien aura été constitué."

Et comme en écho à l’initiative française, la diplomatie américaine, après quelques hésitations et indécisions, est entrée dans la logique d’élaborer une action globale contre l’Etat Islamique. Elle veut saisir la tenue du sommet de l’OTAN prévu ce 4 et 5 septembre au Pays de Galles pour formuler une nouvelle stratégique. John Kerry en dessine les contours à la veille du sommet de l’OTAN : "Nous profiterons de cette occasion pour continuer à former une large coalition et souligner le danger constitué par les combattants terroristes étrangers, notamment ceux qui ont rejoint l’EI." Et d’afficher une détermination sans faille : "Nous ne permettrons pas au cancer de l’EI de s’étendre à d’autres pays. Le monde peut affronter ce fléau, et au bout du compte le vaincre.

D’ailleurs une des grandes nouveautés attendues de ce sommet des Pays de Galles est de créer une force de réaction rapide de l’OTAN composée de 10 000 hommes conduite par la Grande Bretagne à la tête de sept pays. Il est vrai que l’esprit d’une telle force est dirigé en priorité vers la crise ukrainienne sous pression russe. Mais il n’est pas exclu que l’alliance Atlantique puisse mobiliser son bras armé pour traiter aussi l’Etat Islamique.

L’idée de mobiliser la communauté internationale pour lutter contre l’Etat I islamique commence à faire son chemin comme une incontestable évidence. Elle fait suite déjà à deux actes majeurs qui ont ciblé les activités de l’Etat islamique. Le premier est d’essence politique. Il provient de l’ONU lorsque l’organisation new-yorkaise avait accusé l’Etat islamique de nettoyage ethnique et religieux sur fond de crimes de guerre commis en Irak et en Syrie. Le second est militaire lorsque Barack Obama avait ordonné le bombardement des positions de l’Etat Islamique en Irak avec un succès très relatif.

Et parce que ces deux initiatives ne semblent pas de nature à stopper la fulgurante et dangereuse ascension de l’Etat islamique que l’idée d’un sommet international sur la question acquiert soudain une grande pertinence. L’enjeu d’une telle rencontre est de mettre en place les mécanismes d’une guerre internationale contre le terrorisme. Et elle ne pourra être d’une grande efficacité que si la plus part des acteurs régionaux abattent ouvertement leurs jeux. L’Etat islamique n’est pas né par hasard. Sa brusque puissance n’est pas l’œuvre du saint esprit. Il existe bien des forces de la région qui ont soufflé sur le feu de son baptême et accompagné sa croissance.

Ce sommet international que Paris propose d’organiser et que Washington ne semble avoir d’autres choix que de valider, n’évitera pas les questions qui fâchent et les ajustements qui s’imposent. Parmi les plus urgentes : assécher les réseaux de ses parrains et identifier les complicités et les forces qui lui montrent de la bienveillance avant de passer à l’étape militaire du démantèlement et de l’éradication. La guerre contre la terreur passe d’abord par un inévitable exercice de clarification.

Alors que la Syrie de Bachar El Assad, profitant de cette aubaine qu’offre la mobilisation internationale contre l’Etat islamique a opportunément offert ses services pour participer à la lutte contre le terrorisme, sa proposition a été accueilli par une tranchante fin de non recevoir de la part de Paris et de Washington. François Hollande a coupé court à toutes les pérégrinations sur le sujet: "Une large alliance est nécessaire mais je veux que les choses soient claires : Bachar al Assad ne peut pas être un partenaire de lutte contre le terrorisme, c’est l’allié objectif des djihadistes".

En face de cette tranchante clarté française , la diplomatie américaine affiche une position beaucoup plus brumeuse. En témoigne ses grandes hésitations à frapper les forces de l’Etat islamique en Syrie. Ce à quoi s’ajoute l’aveu de Barack Obama que l’Amérique n’avait pas encore " de stratégie pour combattre les Djihadistes en Syrie" qui a fait couler beaucoup d’encre en Amérique. L’opposition républicaine qui attend Obama au tournant sécuritaire s’en est donnée à cœur joie dans la stigmatisation de l’impuissance américaine. Il est vrai que le président américain a tenu à préciser sa pensée sur Bachar El Assad : " Nous continuerons à soutenir l’opposition modérée car nous devons offrir aux gens en Syrie une alternative au-delà d’Assad ou de l’EI" . Mais cela est loin de lever la grande ambiguïté américaine sur le sujet. Le somme international contre l’Etat islamique, si Paris arrive à le tenir, sera aussi un grand moment de vérité et de clarification pour l’ensemble des acteurs de la crise syrienne.

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