L’Égypte sonne l’échec de l’Islam politique

Le coup de force opéré par les militaires en Égypte contre Mohamed Morsi et les frères musulmans en Égypte n’a pas encore fini de livrer l’ampleur de son impact. La manœuvre est suffisamment puissante dans sa dimension politique et stratégique qu’elle dépasse largement l’échiquier politique égyptien pour toucher l’ensemble de pays où l’Islam politique avait accédé au pouvoir ou s’apprêtait à le faire.

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En Égypte tout d’abord. Après avoir accepté, sous la pression de cette grande aspiration démocratique née du printemps arabe, de déposer Hosni Moubarak, l’armée a donc décidé de reprendre le Contrôle de la situation et décidé de configurer le devenir égyptien à sa guise. Argument politique invoqué, les Frères musulmans, dans leur grand appétit politique, ont voulu imposer par la force et la contrainte, leur idéologie islamisante. Ce qui, aux yeux de l’armée menaçait à la fois le vivre ensemble égyptien, sa prospérité économique et sa créativité. Raisons suffisamment pertinentes pour l’institution militaire égyptienne pour justifier leur coup de force contre un président élu et ses excès. Mais en procédant ainsi, les généraux égyptiens ont sonné le glas de l’islam politique et des islamistes, venus au pouvoir dans la foulée des révoltes arabes.

En Tunisie d’abord. L’épreuve égyptienne a fonctionné comme une énorme épouvantail. La ligne rouge qui a consisté à briser la légitimité des urnes sans que cela ne choque la communauté internationale, a été franchi. Le mouvement Ennahda et son chef le frère musulman Rached Al Ghannouchi a été contraint de revoir ses calculs et sa stratégie.

Après avoir géré la période post-Ben Ali avec l’arrogance des vainqueurs intouchables, les événements du Caire l’obligent à plus de souplesse sous peine qu’une rigidité excessive puisse le casser lui et son mouvement. Il avait longtemps traité avec mépris les demandes de l’opposition de démissionner le gouvernement et de dissoudre l’Assemblée constituante. Aujourd’hui le dialogue entre islamistes et oppositions est sur la rails avec son lot obligatoire de concessions de part et d’autres pour éviter que le langage de la violence et du chaos ne domine d’avantage la rue tunisienne.

Au Maroc les événements d’Egypte ont été concomitants avec le déclin du gouvernement dirigé par l’islamiste Abdelillah Benkirane. Après avoir subi de plein fouet une crise inédite avec la démission des ministres du parti de l’Istiqlal et une violente critique royale sur sa gestion calamiteuse d’un secteur aussi vital que l’éducation nationale, ce gouvernement est entré dans une phase de doutes ravageurs .Signe des temps incertains, l’impossible synthèse à trouver entre la nécessité de montrer une solidarité avec le régime des Frères musulmans déposé en Egypte par le coup de force des militaires au nom du cousinage politique et l’indispensable posture de realpolitik que suggère l’approche internationale de cette crise.

En Libye où l’insécurité politique fait office de mode de vie des libyens depuis la chute du régime Mouamar Kaddafi, le premier ministre libyen Al Zeidane vient de lancer une initiative de dialogue national. Elle intervient après une longue période d »instabilité où les groupes armés encouragés par le fondamentalisme ambiant de leurs voisins égyptiens et tunisiens dictaient par la force leurs lois et leurs agendas. La perte de Mohamed Morsi en Égypte et la souplesse imposé à Rached Ghannouchi en Tunisie mettra sûrement les islamiste libyens dans de meilleures dispositions d’esprit pour entamer un dialogue politique susceptible sinon de pacifier la scène politique libyenne du moins d’y introduire la dose de normalité qui lui fait tant défaut.

L’Algérie a aussi été impactée par la crise égyptienne mais à l’envers. Alors que le pays se prépare à enterrer la séquence d’Abdelaziz Boutefllila, malade, la mouvance islamiste algérienne se préparait à prendre sa revanche électorale depuis que les militaires algériens avaient privé le FIS (Front islamique de salut) de sa victoire. Et elle avait toutes les raisons d’espérer un grand triomphe, portée qu’elle était par l’accès par voie électorale de l’islam politique au pouvoir dans de nombreux pays arabes. Le coup de grâce égyptienne contre Mohamed Morsi à rebattu les cartes et douché les enthousiasmes. D’autant qu’une telle initiative a eu pour dommage collatéral de consolider les bases idéologiques de la posture " éradicatrice" qui avait triomphé en Algérie à l’issue de la longue et sanglante guerre civile algérienne.

En déposant Mohamed Morsi, Abdelfattah Sissi, le nouvel homme fort de l’Egypte, ne savait sans doute pas qu’il venait de donner un grand coup pied dans la fourmilière islamiste notamment celle qui a pu accéder au pouvoir par les urnes ou celle qui, tapis dans l’ombre, trépignait d’impatience de le faire. Il donne aussi un coup de vieux à cette lecture d’abord américaine et ensuite européenne qui préconisait l’accès pacifique et démocratique des islamistes au pouvoir, la meilleure manière de les responsabiliser dans la gestion des affaires publiques et par conséquent de les débarrasser de leurs démons terroristes.

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