Islam et charia, des peurs et des questions

Islam et charia, des peurs et des questions
"L’islamiste modéré ? On en parle souvent, mais on n’en a jamais vu" (Poil à gratter)

L’interrogation est fréquente. Pour de nombreux internautes, débattre sur l’évolution de la situation dans les pays du Maghreb oblige à comprendre des termes, des concepts jusque-là méconnus, comme celui d’islam modéré. Qualifié tour à tour de main invisible (Dette), d’"espèce bizarre" (Poil à gratter), ce "nouvel élément de langage" semble "inventé par l’Occident et galvaudé par les médias" (Véritas). La plupart des internautes rejoignent pourtant le constat de Dette : "On a du mal à comprendre."

"Pas certain que la liberté y gagne, que la justice y gagne, que les femmes y gagnent" (Jack63)

Cette inconnue est source d’inquiétude, d’incompréhension, et invite à une perception négative, parfois généralisante. Ces scrutins, marqués par une forte participation, n’offrent pas la certitude que "la liberté y gagne, que la justice y gagne, que les femmes y gagnent", explique notamment Jack63 après les premières estimations de résultats électoraux au Maroc. "Tout cela n’est pas vraiment rassurant", corrobore Zorritita qui évoque la "peur de la persécution des chrétiens". "C’est un coup porté aux femmes", ajoute MicheleV, rejointe par KiriNa inquiète qu’on "les prive de tous leurs droits civiques". Fred dénonce l’abolition de la loi sur le mariage et le divorce en Libye, faut-il "accepter l’inacceptable"… "Comment expliquer la place de la femme dans les pays ayant la charia comme fondement législatif ?" s’interroge encore Marsouin21. Et dans les commentaires, le malaise se traduit aussi par la peur d’un endoctrinement religieux.

"La religion pèse d’un tel poids dans le subconscient des musulmans que bien rares sont ceux et celles qui osent ouvertement s’en affranchir" (PhilippeO1)

"Dès la petite enfance, les populations musulmanes sont soumises à un bourrage de crâne" (Hmrmon). La religion apparaît alors comme "archaïque" (Philippe01), et les fidèles semblent manipulés par le "poids insidieux des directeurs de conscience". Certains vont plus loin, affirmant, à l’instar de Quiétinois, que "c’est la prise de distance avec la religion dominante qui, en Occident, nous a permis les premières avancées citoyennes". Brutales, parfois non publiables, ces remarques ne sont pourtant qu’une partie des opinions exprimées sur Le Point.fr. "Ne nous trompons pas de combat", répond Métis, qui pense que "ce n’est pas l’islam, ni même ses préceptes qui doivent faire peur", mais bien "l’utilisation qui en est faite".

"De quel droit juger le vouloir des peuples ? Alors que, maintenant, le peuple donne son opinion, on dit que ce peuple est ignorant" (HumainduMonde)

Qu’ils soutiennent ou non l’orientation politique décidée lors des élections, nombre d’internautes tiennent à rappeler que "les peuples sont libres de déterminer eux-mêmes le régime politique qu’ils veulent installer à la suite des dictatures qu’ils ont renversées" (Fredus). "Il faut accepter la réalité des choses et la logique des urnes", enchaîne Red, car "chaque peuple dispose de son avenir" (Paix). Ces constats, plusieurs les formulent, quitte à avouer dans le même temps que "ce choix ne nous semble pas bon pour eux" (Thierry Aliste). Significatif, également, ce point de vue de Danielle qui revient sur les propos de Jeannette Bougrab : "Oui, Madame, vous avez entièrement raison. Mais les musulmans ont fait leur choix démocratiquement." Un choix qui "devrait pousser les Occidentaux à rester en retrait" (Thomas Bishop). La question de l’ingérence est en effet prégnante dans ce débat.

"À eux de construire la société islamique qu’ils souhaitent, c’est leur vote, après tout, ça ne nous regarde pas" (EtAlors)

"Que chacun voie midi à sa porte !" (Urgo). Plusieurs internautes fustigent les critiques émises depuis l’Occident, à la suite des résultats électoraux au Maghreb. La Tunisie, le Maroc et l’Égypte ne sont plus "ni des protectorats, ni des colonies françaises" (Samarchepas), l’ingérence de pays "qui voudraient imposer indirectement nos façons de vivre" (Jdeclef) pouvant être interprétée comme une "réaction néocolonialiste" (Lahuri). Moins tranché, Métis observe qu’il existe un "certain paradoxe" à répéter que "la place des ressortissants de ces pays est sur leur terre, quand on se permet de juger les choix de ceux qui restent sur ces terres". D’autres internautes soulignent la difficulté de brandir comme modèle le système politique occidental de manière récurrente, car "chacun acquiert son expérience à l’aune des épreuves qu’il traverse". Une analyse reprise par Guava Juice : "Notre modèle occidental n’est pas universel, la culture fait que, dans chaque pays, chacun à sa propre approche." Alors, certains s’attachent à expliquer, à faire comprendre l’islam et la charia, offrant de nouvelles clés de lecture.

"Seul le fatalisme est à combattre, pas un islam moderne et démocratique" (Mamiep)

La charia islamique est avant tout une "interprétation des hommes" (Floeg) et, par conséquent, peut s’adapter aux évolutions de la société "au même titre que les interprétations religieuses passées". Pour d’autres, elle a valeur de "jurisprudence islamique". Oui m’sieu prend ainsi pour exemple la République islamique de Mauritanie où "il y a un consensus de la part des oulémas sur l’abolition de l’esclavage conformément aux principes de la charia". En somme, l’islam est une "religion évolutive, et non pas figée" (Nabil).

Mais le succès des partis islamiques est également dû à leur popularité, bien antérieure aux révolutions. Ces partis ont pris l’habitude "d’aider les populations qui sont dans le besoin" (Vivi), d’où une victoire "justement" due au fait qu’ils sont "les plus présents sur le terrain, ceux qui apportent des solutions concrètes et s’associent avec les gens de la rue" (Ninyou). Une stratégie politique donc, où "les préceptes du Coran, qu’aucun musulman ne peut renier", permettent "de se faire accepter et de s’emparer du pouvoir" (AS/12 Alger). AS/12 Alger poursuit en rappelant qu’en Libye le fait que la charia soit la "future source du pouvoir, cela va de soi" : "C’est être irresponsable que de ne pas donner des gages à cet électorat majoritaire." "Le plus grave aurait été justement d’annoncer la fin de la charia qui, aux oreilles des masses, sonnerait comme la fin de l’islam. Paradoxalement, c’est plutôt un discours apaisant en direction des Libyens" (Picot). Néanmoins, "personne ne peut dire aujourd’hui quelle sera la politique suivie" (Jack56) dans ces pays. Alors, certains préconisent la prudence.

"Il nous faut attendre, ne pas observer sans complaisance, mais sans condamner a priori" (J.)

"Je crois que l’on ne peut pas juger, il nous faut attendre de voir ce qui va se passer dans les mois et les années qui viennent" (Ragondin1). Un certain nombre d’internautes temporisent et préfèrent jouer la prudence, rappelant qu’il ne s’agit que de la "première phase d’un processus" (V-V-V). D’ailleurs, "la démocratie est un concept occidental récent" (Marco) et le modèle actuel est le fruit "d’une révolution et de trois siècles de luttes".

D’où cette conclusion de Sam216 à propos de la progression de l’islamisme politique : "Ces peuples croient qu’une alternative islamique changera leur quotidien, que ce modèle pourra être modéré, tolérant et prospère. Laissons-les simplement expérimenter le modèle." Le sentiment néanmoins le plus répandu dans les commentaires est un malaise, une inquiétude quant à l’avenir de ces pays, où les choix électoraux ont été perçus comme un pas en arrière.

(Le Point)

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