Bien que la France reste le premier partenaire économique du royaume, ce recul a suscité des craintes, mais rapidement atténuées à l’occasion du forum économique maroco-français, tenu jeudi à Rabat dans le cadre de la visite officielle de deux jours du chef de l’Etat français au Maroc sous le thème des « nouvelles coopération pour un partenariat durable ».
Le chef d’Etat français a donné deux raisons pour expliquer ce recul, avant d’appeler les entreprises françaises « intermédiaires » à venir s’implanter davantage au Maroc dans le but de rester en tête de liste des fournisseurs de ce dernier.
« Les Espagnols qui sont en crise ont cherché à prendre des marchés » dans une région limitrophe, sans oublier que des « Espagnols sont (même) venus s’installer au Maroc », a affirmé le chef de l’Etat français devant une assistance composée de 400 chefs d’entreprises du Maroc et de France.
Pour Français Hollande, la « deuxième explication » plausible à donner à cette perte de première place c’est que les entreprises françaises ont pensé que le marché marocain était acquis et « garanti » d’avance.
« Même si les PME (petites et moyennes entreprises) sont installées au Maroc (elles) ne le sont pas suffisamment », a déclaré le président français lors de ce forum, économique, le 3ème en moins d’un an entre le Maroc et la France.
« Plus de PME, plus d’investissement, des colocalisations suivant le concept de gagnant/gagnant, et plus de formation de jeunes», tels sont les messages adressés par le président français aux hommes d’affaires des deux pays.
Pour l’année 2012, l’Espagne a ainsi ravi la place à la France avec 12,09% de part de marché contre 12,06 % pour Paris (13,9 en 2011). Cet écart de 0,3 points est resté au travers de la gorge des Français, massivement présents au Maroc avec 750 entreprises françaises, dont 36 des 40 entreprises du CAC 40, selon des chiffres officiels.
Les entreprises espagnoles, confrontées à une grave crise économique, ont œuvré activement à la conquête de nouveaux débouchés, notamment au Maroc. Aidées par un euro plus faible, les exportations ibériques dans le royaume ont progressé en 2012 de près de 29 %, pour s’établir à 5,3 milliards d’euros. Dans le même temps, les exportations françaises chutaient de 6,5 %, à 4,3 milliards d’euros.
Le forum économique maroco-français de Rabat a réclamé mercredi une forte implication commerciale, industrielle, financière et technique des entreprises des deux pays en Afrique pour « pouvoir bénéficier et acquérir une part dans la croissance économique du continent africain », mettant en garde contre un relâchement qui pourrait profiter à des pays émergents comme la Chine et l’Inde.
Revenant sur le recul des exportations françaises vers le Maroc, la ministre française du Commerce extérieur, Nicole Bricq a affirmé à Atlasinfo qu’il n’y avait pas de « crainte bien que la concurrence est là ». C’est une situation « conjoncturelle » parce que la France a vendu « moins de céréales au Maroc » en 2012, a-t-elle expliqué, déclarant qu’il « faut qu’on soit les meilleurs possibles (la France) avec des offres adaptées dans tous les secteurs, et il faut qu’on soit en phase avec les demandes » du Maroc.
Pour certains participants, la perte de la 1ère place est source de réflexion. « plus rien n’est acquis, il faut faire des efforts et ne pas dormir sur ses lauriers », a déclaré à Atlasinfo Yann Caillère, Directeur général délégué du groupe hôtelier français Accor. Il s’agit d’un « avertissement à moindre frais. Je ne pense pas que la France soit en crise, elle n’a pas compris qu’il faut changer de modèle (de recherche de nouveaux marchés) et si elle ne change pas son modèle elle restera ainsi pendant 30 ans », a-t-il estimé.
Jean René Fourtou, président du conseil de surveillance du groupe français Vivendi a appelé pour sa part les entreprises françaises « à s’allier aux Marocains qui réussissent tout seul et mieux en Afrique ». « Alliez-vous aux Marocains pour bénéficier des grandes opportunités qu’offre ce continent », a-t-il lancé.
Côté marocain, le patron de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable Ali Fassi Fihri a estimé que la France « reviendra à la situation normale qu’elle a perdue en 2012. Elle a perdu un secteur, celui notamment des céréales face à une avancée des Espagnols ».
Très optimiste, le président de l’Institut français de prospective économique du monde méditerranéen, Jean-Louis Guigou, a quant à lui qualifié de « pas grave ce recul, la France reviendra ». « Ce qui m’inquiète le plus c’est l’agressivité (commerciale) de la Chine en Afrique, il faut faire attention », a averti M. Guigou.
Par ailleurs le 3ème forum économique maroco-français a recommandé le renforcement du partenariat entre les entreprises des deux pays pour « faire des affaires en Afrique », continent en « grande mutation économique », qu’on évoquait par le « passé que pour citer la pauvreté, les maladies, la corruption », a déclaré à cette occasion Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa Bank.
Cet établissement possède onze succursales en Afrique avec une part de 25% dans son chiffre d’affaires total. Avec son taux de croissance prévisionnel d’environ 6% en 2013 ? l’Afrique aurait besoin dans les dix prochaines années d’un investissement total de 100 milliards de dollars, selon M. El Kettani, indiquant que son pays a conclu ces dernières années avec les pays africains un total de 500 accords de coopération bilatérale.
« Les conditions sont réunies pour donner un nouvel élan à la coopération économique » bilatérale, a pour sa part affirmé Meriem Bensalah-Chaqroun, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), soulignant à Atlasinfo que « le tissu des entreprises possède de vraies potentialités et un avenir pour œuvrer de plus en plus en commun. Il ne faut pas oublier que l’Espagne n’est pas présente en Afrique », un clin d’œil pour dire que le Maroc et la France « main dans la main » peuvent réaliser des performances économiques en Afrique .