Elisabeth Borne, la fin du sursis ?

Bien avant l’échec de la loi sur l’immigration à l’assemblée nationale, le sort d’Elisabeth Borne, première ministre, était presque scellé. Le président Emmanuel Macron avait annoncé aux français un grand moment de retrouvailles en janvier 2024. Et dans la tête de beaucoup, ce moment ne pouvait s’incarner qu’avec le projet d’un changement de premier ministre, avec le secret espoir de donner une dynamique à ce second mandat, embourbé dans les impasses depuis son début qui avait coïncidé avec une perte de majorité absolue au parlement.

Depuis son arrivée à Matignon, Elisabeth Borne avait donné cette étrange impression de jouer les intermèdes et que son départ était déjà programmé à n’importe quel moment sans que son agenda ne soit réellement fixé. Une fois passé le grand frisson d’avoir nommé une femme à Matignon qui a duré à ses fonctions plus que la Malheureuse Edith Cresson du temps ancien du président socialiste François Mitterrand, Elisabeth Borne a incarné le sursis personnifié.  À chaque difficile étape, notamment pour faire adopter les projets de loi, on l’a dit sur un départ certain, pour se retrouver le lendemain avec un bail prolongé par Emmanuel Macron.

Lors de sa nomination, Elisabeth Borne présentait pour Emmanuel Macron un double avantage. Celui d’être une femme politique, ce qui donnait au président de la république l’occasion de mettre en valeur, sur un plan institutionnel, l’égalité Homme Femme, élevée au cours de son mandat comme un combat essentiel et distinctif de son cation politique. Et celui de ne pas présenter de danger pour le président de la république qui avait choisi la posture directive et le style Jupitérien. Elisabeth Borne ne brille pas par un charisme débordant. Plus technocratique que réellement politique, elle fait plus figure d’une super énarque que d’’une Première ministre chargée de diriger et d’animer la majorité gouvernementale.

L’absence de majorité parlementaire absolue a énormément compliqué la gouvernance de Elisabeth Borne et limité sa marge de manœuvre. Sur plusieurs thématiques, elle était dans l’obligation de recourir si souvent au fameux article 49.3. Sans doute le plus emblématique, celui qui avait frappé les esprits fut quand elle avait fait adopter par la force de la loi du 49.3 la très contestable réforme de la retraite. Dans l’imaginaire des Français, Elisabeth Borne est celle qui dégaine le 49.3 plus vite que son ombre.

D’ailleurs, même concernant la loi sur l’immigration, elle paraissait favorable à un recours au 49.3. Avec cette arrière-pensée politique de ne pas permettre à Gérald Darmanin de montrer sa capacité à arracher une majorité parlementaire, à réussir là où elle avait spectaculairement échoué.  Emmanuel Macron a depuis tranché la question. Il n’est pas question de faire appel au 49.3 pour faire adopter une loi si sensible. Ne laissant que deux hypothèses : vote par le parlement de cette loi ou son retrait pur et simple.

Faut-il rappeler qu’une forme de compétition froide et tendue s’est installée entre elle et son ministre de l’intérieur. À chaque fois qu’une rumeur sur son départ de Matignon était lancée, c’était le nom de Gérald Darmanin qui coiffait les pronostics pour la remplacer. Ce qui avait fini par nourrir une sourde concurrence entre ces deux personnalités.

Aujourd’hui, après l’échec du vote sur la loi d’immigration, Emmanuel Macron avait chargé Elisabeth Borne de recourir au mécanisme de la commission mixte paritaire pour tenter de la sauver de ce naufrage. C’est elle qui est chargée d’animer le dialogue politique avec les parlementaires membres de cette commission et de les convaincre de trouver un compromis entre l’assemblée nationale et le Sénat et tenter de faire voter cette fameuse loi sur l’immigration qui constitue un des grands marqueurs du second mandat d’Emmanuel Macron.

C’est une course contre la montre à laquelle se livre Elisabeth Borne. Si elle réussit dans la mission que le président lui a confiée, elle aura une petite chance de prolonger son bail à Matignon. Si elle échoue, son départ sera inévitable. Un succès de dernière minute de E. Borne, même s’il est peu probable, lui sauvera seulement la face. Car ke président de la république sent que le moment est venu d’insuffler une nouvelle dynamique à son second mandat. Et il ne peut le faire en conservant la même architecture de gouvernement, sachant que pour le moment l’hypothèse d’une dissolution du parlement et l’organisation d’élections législatives anticipées’ n’est pas du tout à l’ordre du jour.

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