Derrière Bachar, l’ombre de l’Iran

Les jours de Bachar El-Assad à la tête de la Syrie sont-ils comptés? Tout à la répression des manifestations qui menacent son régime depuis cinq mois, le raïs syrien fait l’objet de pressions internationales croissantes. Samedi, Barack Obama s’est posé en chef d’orchestre du concert de protestations. Ses entretiens téléphoniques avec le roi saoudien Abdallah et le Premier ministre britannique David Cameron ont débouché sur l’exigence commune d’un arrêt "immédiat" des violences.

Ces derniers temps, les États-Unis se sont déjà efforcés de créer un large front international pour condamner Damas. Et ce afin "que personne au sein du régime syrien ne soit tenté de dire que seuls les États-Unis" ou l’Occident mènent le bal diplomatique, a indiqué vendredi la secrétaire d’État Hillary Clinton. Celle-ci a plaidé pour un nouveau train de sanctions économiques contre la Syrie : "Nous pressons les pays qui continuent à acheter du gaz et du pétrole syriens […] de se ranger du bon côté de l’Histoire." Plus tôt dans la semaine, des proches de Barack Obama ont affirmé qu’une demande officielle de départ du président Assad pourrait être prochainement formulée.

Guerre froide au Moyen-Orient

Pour réussir, toutefois, cette offensive diplomatique devra surmonter les réticences de plusieurs puissances "non alignées", à commencer par la Chine et la Russie. Membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, elles rechignent à soutenir de nouvelles sanctions. "La Russie est alliée à la Syrie depuis la guerre froide et l’alimente en armes, explique le géographe Fabrice Balanche, spécialiste de la région. Elle était sur le point d’installer sa flotte méditerranéenne dans le port syrien de Tartous. Quant à la Chine, elle s’oppose à toute ingérence car elle a ses propres problèmes internes avec les Ouïgours et les Tibétains." Une réunion spéciale du Conseil de sécurité de l’ONU se tiendra jeudi sur la situation en Syrie, mais ces divergences rendent improbable l’adoption d’une résolution contraignante.

Le ralliement de l’Arabie saoudite à la condamnation de la répression représente toutefois un véritable atout. Dès dimanche dernier, le royaume sunnite ainsi que Bahreïn et le Koweït avaient rappelé leurs ambassadeurs respectifs à Damas, opération assortie d’un virulent communiqué du roi Abdallah. Un geste qui tranche avec l’attentisme préalable de l’Arabie saoudite, puissance régionale dominante avec l’Iran.

"Plusieurs tendances coexistent en Arabie saoudite, analyse Joseph Bahout, chercheur associé à l’IEP de Paris. Il y a un réflexe contre-révolutionnaire, qui s’accommode du régime autoritaire d’Assad; et d’autre part un ras-le-bol de l’influence iranienne, notamment en Syrie. Cette ligne semble l’avoir emporté." Ce changement de pied montre que la crise dépasse désormais le seul cadre syrien pour devenir le terrain de la "guerre froide" entre la monarchie sunnite saoudienne et la république autoritaire chiite d’Iran. Grâce à la Syrie, cette dernière dispose notamment d’une influence sur le Liban et les troupes chiites du Hezbollah, outil de pression sur Israël et les États-Unis. Or, l’isolement de Bachar El- Assad pourrait le pousser encore plus dans les bras de Téhéran. "Un régime syrien affaibli, appauvri, encerclé, serait encore plus dépendant de l’aide iranienne, en échange d’une allégeance diplomatique renforcée, poursuit Joseph Bahout. L’Iran pourrait alors ouvrir un nouveau chapitre, plus agressif, de sa confrontation avec l’Occident." De quoi fournir un autre sujet d’inquiétude à la communauté internationale.

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