Daesh et Sissi, les grands marqueurs arabes de 2014
Alors que le monde s’apprête à accueillir la nouvelle année, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les grands évènements qui ont marqué le monde arabe. Dans le milieu de la presse, la religion de la rétrospective est très rodée. Une sélection subjective est à l’œuvre pour éclairer une année qui s’évapore et accueillir celle qui s’installe.
Deux événements majeurs ont indubitablement façonné l’année 2014 et configuré presque l’ensemble de sa physionomie. Le premier tourne autour de ce qu’on appelle communément Daesh ou l’Etat Islamique. Même si son action était déjà à l’œuvre depuis le début de la crise syrienne. 2014 aura été l’année de sa puissance. Ses conquêtes territoriales en Irak et en Syrie, ses ambitions régionales, sa dangereuse capacité d’attraction qu’il continue d’exercer sur des jeunes arabes et européens ont alerté la conscience internationale. Conséquence immédiate, une mobilisation mondiale et une guerre internationale contre Daesh qui est devenu pour l’occasion le cri de ralliement dans la lutte contre le terrorisme. Russes, Américains, Européens et Arabes ont embarqué dans le même bateau pour conjurer ce sort qui menace la stabilité du monde.
Par Mustapha Tossa
Le second phénomène qui a marqué l’année 2104 est le président égyptien Abdelfattah Sissi. Sa sortie contre l’Islamiste Mohammed Morsi et sa guerre sans merci contre la confrérie des frères musulmans ont certes changé le cours des événements en Égypte mais ont a eu un impact au delà du pays. La vague du printemps arabe qui avait porté les islamistes au pouvoir en Tunisie et s’apprêtait à le faire en Libye et dans d’autres pays du Golfe a connu un arrêt brusque à cause du coup de force de Sissi en Égypte. La reprise en main fut violente, autoritaire, reçue comme un coup de massue pour les animateurs de l’aspiration démocratique en Égypte. A cause de la politique de Sissi, la scène politique égyptienne fut clivée entre deux fronts qui se regardent en chiens de faïence. Celui qui pense que la démarche de Sissi est foncièrement liberticide et annonce le retour de l’autoritarisme et du vieux régime. Et celui qui en voit en ce général, devenu Maréchal puis président de la république, le sauveur de l’Egypte éternelle menacée par l’idéologie destructrice de l’Islamisme triomphant.
Non content d’avoir donné une coup d’arrêt à l’ascension des frères musulmans en Égypte, le phénomène Sissi a été à l’origine de la grande mésentente entre les pays du Golfe. Ce fut la grande brouille entre les deux puissances Wahhabites de la région que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar. Les divergences furent si vives que la confrontation entre les deux pays a failli sortir de son cadre diplomatique et médiatique déjà effervescent. Sissi fut si important dans ce bras de fer qu’il en est devenu la monnaie de réconciliation. L’ouverture du Qatar sur Sissi fut d’ailleurs le signe annonciateur de cette réconciliation.
Sur un tout autre plan, la victoire de Beji Caïd Essebsi en Tunisie a des odeurs de revanche qui vient naturellement dans le sillage politique de la réhabilitation du président Hosni Moubarak opérée par Sissi comme un signal à multiple significations.
Daesh et Sissi ont ceci de particuliers, c’est qu’ils peuvent être les facettes antagonistes d’une même pièce. Le Monde arabe a vécu cette année 2014 une situation particulière, déchirée par l’enterrement de la tentation démocratique qui avait éclos en 2011. C’est parce que des menaces comme Daesh existent que des hommes et des approches comme Sissi sont plébiscités par les opinions arabes.