La diplomatie des « masques » à l’ère du coronavirus

Nul doute que l’impact de la pandémie du coronavirus a été foudroyant pour l’Italie puisque c’est le premier pays qui a été contaminé après la Chine. Nul doute aussi que ce séisme sanitaire va influer grandement sur la carte géopolitique du monde.

Avec la propagation du coronavirus de la Chine vers l’Italie puis au reste du monde, la caractérisation du virus a changé passant d’épidémie à pandémie. Elle s’est propagée comme une traînée de poudre dans des pays européens, traditionnellement connus pour la puissance de leur économie et de leur développement scientifique, et qui possèdent des institutions hospitalières et des laboratoires de recherche scientifique et médicale de grande envergure.

Mais le poids du choc a ébranlé bon nombre de mécanismes d’institutions, de coalitions politiques, économiques et financières internationales, comme l’Union européenne (UE), l’OPEP, l’OTAN.

Par ailleurs, le monde assiste avec effarement à des détournements d’avions chargés d’appareils respiratoires et de masques, et suit les attaques et contre-attaques entre la Chine et les Etats-Unis sur la réalité de la nature du virus.

Mais ce qui incite réellement à la réflexion est la chronologie des aides internationales acheminées vers l’Italie comme modèle de sortie de cette crise. La Chine avait été la première à dépêcher des cargaisons de matériel médical, des masques chirurgicaux et des convois de médecins en Italie, suivie de la Russie, de Cuba et de l’Albanie, l’Égypte, tandis que la réactivité des pays de l’EU et du bloc de l’Ouest s’est fait attendre, notamment celle de l’OTAN.

Un retard assimilé à du mépris pour Luigi Di Maio, ministre italien des Affaires étrangères, qui a fait allusion à une nouvelle carte d’alliances de l’Italie pour l’après-coronavirus. Une pacte refondé avant tout sur l’élément de la solidarité et de l’entraide.

Pour sa part, le Premier ministre italien Giuseppe Conte, a haussé le ton dans son discours lors de la dernière réunion des pays de l’UE, fixant à deux semaines le délai de présenter de nouvelles propositions de coopération et de coordination pour vaincre le coronavirus. S’attendre à des changements radicaux dans la Charte des pays de l’Union européenne n’est donc qu’une question de temps.

La Présidence de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a tout de suite réagi et assuré que l’Union européenne est auprès de l’Italie, tandis que l’Allemagne a proposé d’accueillir des victimes italiennes du virus dans ses hôpitaux. Quant au Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, il s’est engagé à envoyer de l’aide médicale à Italie et à Espagne à partir de la Turquie.

Le paramètre politique et diplomatique a plus pesé dans la chronologie de l’aide internationale destinée à l’Italie que celui de l’urgence humanitaire et de  coopération internationale, au point de devenir une source d’inspiration pour analyser les futures alliances stratégiques qui pourront changer la carte géopolitique et les coalitions économiques et financières mondiales. Car sous la couverture d’aides internationales humanistes se dissimule désormais une nouvelle redistribution des cartes géopolitique.

La Russie, par exemple, a choisi comme slogan à ses aides « De la Russie vers l’Italie avec amour », les aides de la Chine étaient accompagnées d’une citation de Sénèque «Nous sommes des vagues de la même mer, des feuilles du même arbre, des fleurs du même jardin », les Égyptiens ont envoyé leurs aides « du peuple égyptien au peuple italien », alors que l’ambassadeur italien à Istanbul a qualifié la Turquie du pays ami la remerciant de son soutien pendant cette crise.

La carte géopolitique future sera sans doute tracée selon la carte des aides internationales, une raison parmi d’autres qui auraient motivé le Président Trump à s’engager à son tour dans le soutien financier et médical pour l’Italie.

La diplomatie des masques est aujourd’hui adoptée par la Chine qui submerge les pays européens (Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique, Pologne, Serbie …) de matériel médical pour faire face au coronavirus. Car si l’économie européenne et américaine traverse une mauvaise passe, la Chine a fait de cette crise un moteur de développement pour son économie et d’expansion vers ses clients/alliés, que ce soit en Europe, en Afrique ou en Amérique du Sud. D’autres pensent que la Chine chercherait à se racheter auprès des pays du monde à travers ses aides pour avoir été à l’origine de cette pandémie mondiale.

Aujourd’hui, tous les cercles politiques et groupes de réflexion font référence à la « diplomatie des masques », un nouvel outil du soft power en temps de pandémie, en l’occurrence en Russie mais avec plus de force en Chine.

*Abdellah Boussouf,

Historien, Secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME)

 

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