Bachar al Assad sauvé encore par Al Qaïda
Une seconde chance pour Bachar al Assad. La première fut lorsque, profitant de l’hésitation américaine, il adhère au compromis sur le contrôle de ses armes chimiques. Il fait ainsi éloigner le spectre de sa propre déstabilisation en devenant une pièce maîtresse du démantèlement de son arsenal chimique. La seconde lui fut offerte par l’opposition armée qui se réclame d’Al Qaïda, lorsque cette dernière est devenue par un rapport de force guerrier qui lui est devenu favorable, le réceptacle des armes occidentales destinées à l’opposition.
Et l’ironie de l’histoire voudrait que des pays comme les États Unis qui dépensent une incalculable énergie à combattre les réseaus Al Qaïda à travers le monde, responsable d’actes de terrorisme et de déstabilisation d’ampleur internationale, puissent se retrouver dans le conflit syrien, à renforcer ce réseau et à lui procurer le carburant de son fonctionnement. Al Qaïda est devenue un acteur régional majeur en Syrie, profitant de l’oxygène qui lui a procuré le bourbier irakien.
Le déclic qui a provoqué un tel tournant est que des groupes islamistes radicaux se seraient emparés d’armes précieuses et dangereuses que les occidentaux avaient remises à l’ALS pour combattre le régime de Bachar al Assad. De là à penser que ces armes puissent un jour être retournées contre ces pays et être utilisées dans des opérations de terrorisme international, il n’y a qu’un pas …
En termes politiques, Américains et Britanniques donnent raison au discours depuis longtemps développé par Bachar El Assad, à savoir que son pays livre un combat sans merci aux djihadistes d’Al Qaïda qui ont fini par prendre le dessus et contrôler la presque totalité de l’opposition syrienne armée. Bachar Al Assad avait fréquemment développé cette rhétorique non sans quelques succès : « Moi ou Al Qaïda ». Aidé il est vrai par un soutien russe sans faille. Cette rhétorique a longtemps été dénoncée par son opposition et son voisinage comme l’excuse-épouvantail que d’autres avant lui avaient testée sans succès comme le libyen Moummar Kadhafi ou le tunisien Z.Ben Ali.
Pour vider cette stratégie de défense de sa substance, de nombreuses voix de l’opposition n’hésitent pas à accuser ouvertement le régime syrien d’être derrière ces groupes radicaux, de les infiltrer et de les manipuler. Mais jusqu’à présent aucune preuve n’a été fournie pour étayer les accusations. Ces preuves, si elles existaient, feraient davantage alourdir les charges contre le régime syrien déjà mis au ban de la communauté internationale à cause de sa sanglante répression.
Ce tournant militaire et stratégique intervient alors que les préparatifs vont bon train pour organiser la rencontre de Genève II entre le régime syrien et l’opposition rebelle. Ce choix a de fortes chances de s’accompagner d’une autre approche plus diplomatique de la part des Américains, à savoir exercer plus de pressions sur des pays clefs de la région qui parrainent ces groupes fondamentalistes armées. Ce qui laisse penser que la courte période qui nous sépare du fameux 22 janvier risque d’être le théâtre de nombreux surprises et autres retournements d’alliances. Avec comme objectif principal d’isoler le segment djihadiste de la crise syrienne sur le terrain des opérations militaires et par conséquent de la table des négociations. Ce sera tout l’enjeu des manœuvres politiques à venir et dont dépend le succès de la conférence Genève II…Si elle se tient.