Bachar al Assad …Le grand gagnant du Poker suisse
Le vrai miracle politique, la vraie percée diplomatique est que la rencontre de Genève II ait pu avoir lieu. Le fossé qui sépare les deux logiques qui s’affrontent dans le conflit syrien entre régime et opposition est tel qu’il paraît difficile de voir un brin de lumière au bout du tunnel. Ce cri à la fois d’extase et de résignation est le dénominateur commun de tous les commentaires des pages éditoriales qui tentent d’éclairer cette réunion. La preuve qu’une certitude s’est installée au fond des esprits: la crise syrienne ne connaîtra pas d’avancées spectaculaires en forme de rupture mais des respirations à petites doses homéopathiques, là où la grande dégradation humanitaire de ce conflit devenue un drame inédit dans la région exigeait un Traitement de choc. Mais Le grand gagnant de cette négociation suisse est indubitablement Bachar al Assad.
Par Mustapha Tossa
Cette certitude contredit la terrible solitude arabe et internationale dont souffre Bachar al Assad. Il ne peut se déplacer nulle part sans risquer un attentat ou une arrestation. Son seul allié dans la région, le régime iranien en complétion ouverte avec Israël et les pays sunnites du Golfe et le Hezbollah Libanais. Tout en théorie était réuni pour rendre le départ de Bachar al Assad inévitable.
Bachar Al Assad est parvenu à sauver son sort le jour où sous parrainage russe et poussé par un instinct de survie, il a réussi à négocier la mise sous tutelle internationale de son arsenal chimique. Le coup de maître de Damas a été de désarmer la tentation internationale, notamment américaine, de frapper militairement le régime iranien. Depuis, tout le monde, y compris la guerrière diplomatie française, reprend en chœur que la solution en Syrie ne peut être que politique. Le militaire est derniers nous, le chaos libyen et l’anarchie irakienne ont servi de leçons et de repoussoir.
Au sein de la solution politique qui est en train d’être négociée à Genève, Bachar al Assad estime qu’il conserve la maîtrise du jeu. Aidé en cela, il est vrai par deux facteurs décisifs. Le premier est sa résistance militaire aux assauts déstabilisateurs de l’opposition armée. Le second est la victoire au sein de cette opposition de la frange la plus radicale qui se revendique d’Al Qaïda. Ce qui a suggéré à certains capitales l’hypothèse la plus affreuse qui soit, le possible accès d’Al Qaïda aux manettes du pouvoir à Damas.
Cette simple vision, cauchemardesque pour beaucoup, a suffi à convaincre les grands de ce monde que la grande dispute syrienne ne peut être tranchée par une destruction forcée du régime mais par une solution négociée …Ce qui laisse encore de beaux jours devant Bachar al Assad. Il faut reconnaître au président syrien une grande capacité de manœuvre et un diabolique tour de force. Après avoir longtemps été identifié au rôle d’un dictateur à faire descendre de son piédestal comme l’ont été avec plus au moins de brutalité, l’irakien Saddam Hussein, l’égyptien Hosni Moubarak ou le libyen Mouammar Khaddafi ou le yéménite Ali Saleh, le voilà qui désire camper, avec un relatif succès, aujourd’hui le personnage du combattant contre la terreur islamique. Il aggrave les contradictions des uns et des autres, notamment les pays européens, en leur reprochant de mener une lutte à mort contre Al Qaïda et de financier l’activisme de cette organisation terroriste sur le sol syrien et même en lui préparant les conditions de son accès au pouvoir.