A Maurice, le pape s’inquiète pour les jeunes, sacrifiés de l’économie

Le pape François, venu passer une journée à Maurice, île multi-ethnique, a appelé ce paradis des touristes et des sociétés offshore à prendre soin de ses jeunes, sacrifiés à ses yeux sur l’autel "d’un modèle économique idolâtre".

"Malgré la croissance économique que votre pays a connue ces dernières décennies, ce sont les jeunes qui souffrent le plus, ce sont eux qui ressentent le plus le chômage" et ont "un avenir incertain", a-t-il dit, devant près de 100.000 fidèles, selon les organisateurs, massés sur un flanc de colline menant au monument "Marie, reine de la paix".

Cette incertitude "les pousse à l’écart et les oblige à concevoir leur vie en marge de la société, les laissant vulnérables et presque sans repères face aux nouvelles formes d’esclavage de ce XXIe siècle", a dénoncé le souverain pontife, salué par la foule par des chants et des branches de palmier.

"Ne nous laissons pas voler le visage jeune de l’Église et de la société; ne laissons pas les marchands de la mort voler les prémices de cette terre!", a-t-il ajouté en allusion au fléau de la drogue, appelant à apprendre le langage des jeunes et les écouter.

Le trafic et l’usage des drogues sur l’île (héroïne, cannabis, cocaïne, drogues de synthèse) s’est accru ces dernières années.

Des voyageurs issus d’autres îles de l’océan Indien avaient pris place dans la foule rassemblée devant le monument marial surplombant la capitale, Port-Louis, là où Jean Paul II était venu célébrer une messe en 1989.

"On est plus de 3.500 à être venus de (l’île française de) la Réunion", a confié Josette, chapeau de paille sur la tête, assurant ne pas en vouloir à François d’avoir choisi de rendre visite à Maurice et Madagascar, deux autres îles de l’océan Indien. "Ce n’est pas grave, on vient ici quand on a la foi, on ne choisit pas".

– Pique au secteur financier? –

Le pape a poursuivi son plaidoyer en faveur des jeunes devant les autorités politiques et civiles du pays, les incitant à être "vigilants" et à choisir une croissance économique profitant "à tout le monde".

Reprenant son combat antilibéral, le pape argentin a rejeté "un modèle économique idolâtre qui ressent le besoin de sacrifier des vies humaines sur l’autel de la spéculation et de la simple rentabilité, qui ne prend en compte que l’avantage immédiat au détriment de la protection des plus pauvres, de l’environnement et de ses ressources".

Le secteur des services financiers est la première activité de l’île, qui attire des milliers de fonds d’investissements, banques et sociétés offshore.

La petite république de 1,3 million d’habitants est majoritairement hindoue (52%), mais compte 30% de chrétiens, principalement catholiques, et 18% de musulmans.

Le pape a aussi voulu exalter une société multiculturelle et multiconfessionnelle, née des colonisations, de l’esclavage et de migrations successives d’Europe, d’Afrique, d’Inde et de Chine. Une excellente raison selon lui pour accueillir au mieux une nouvelle vague de migrants économiques employés dans l’île, principalement originaires du Sri Lanka et du Bangladesh.

"L’ADN de votre peuple garde la mémoire de ces mouvements migratoires qui ont conduit vos ancêtres jusque sur cette île", a noté le pape, qui avait débuté mercredi une tournée africaine l’ayant également mené au Mozambique et à Madagascar, deux des pays les plus pauvres au monde.

"C’est pourquoi je vous encourage, dans la fidélité à vos racines, à relever le défi de l’accueil et de la protection des migrants qui aujourd’hui viennent ici pour trouver un travail".

– Pèlerinage –

La visite de François coïncide avec le 155e anniversaire de la mort de Jacques Désiré Laval, prêtre français décédé le 9 septembre 1864 et béatifié en 1979 par Jean Paul II. Un pèlerinage lié à ce missionnaire rassemble chaque année 100.000 personnes.

Le souverain pontife s’est recueilli sur la tombe du père Laval, considéré comme "l’apôtre des Noirs" et "l’apôtre de l’unité mauricienne". Celui-ci évangélisa au XIXe siècle les esclaves qui venaient d’être libérés et dont les descendants créoles forment la majorité des catholiques mauriciens.

"Sa sollicitude le porta à faire confiance aux plus pauvres et aux personnes rejetées", selon le pape.

L’évêché a invité les Mauriciens à planter en l’honneur du pape au moins 100.000 arbres. "Ces plantes seront pour nous un rappel de votre invitation constante à écouter à la fois le cri des pauvres et le cri de la nature", a expliqué le cardinal Maurice Piat, évêque de Port-Louis.

Le pape, très engagé sur la préservation de la planète, a béni plusieurs plantes endémiques avant de rentrer à Madagascar. Maurice était la dernière étape de sa tournée africaine et il devait retourner mardi à Rome.

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