La percé des partis d’extrême droite aux européennes ne va pas influencer la politique de l’Europe vis-à-vis de ses partenaires (Postel-Vinay)
Le triomphe dimanche du Front national en France a été vécu comme un véritable séisme politique. La forte poussée de l’extrême droite et des europhobes aux élections européennes, même si la droite conservatrice garde le plus grand nombre d’élus au Parlement, suscite interrogations et crainte. Grégoire Postel-Vinay qui dirige la Direction générale de la stratégie, de la compétitivité, de l’industrie et des services au ministère français de l’Economie et du Redressement productif, estime dans un entretien avec Atlasinfo que ce vote ne remettra pas en cause ni les relations ni les engagements de l’Europe vis-à-vis de ses partenaires mais juge possible que des éléments de la politique de libre circulation, Schengen, soient réexaminés.
Il faut relativiser les résultats de cette élection européenne même s’ils sont spectaculaires et regrettables. Mais l’Europe ne va pas changer sa politique vis-à-vis de ses partenaires à l’occasion de cette élection. Ce sont les Etats membres qui définissent les orientations. Prenons l’exemple de l’accord du libre-échange entre le Maroc et l’Union européenne, cet accord demeure et il n’est pas question de le modifier.
Ce vote ne remet pas en cause les relations de l’Europe avec ses partenaires. Bien au contraire, cela doit les renforcer de telle sorte qu’à travers des échanges accrues et améliorées, la croissance en Europe ne sera que plus élevée. Si on analyse ce vote, c’est plus l’indication d’une grande inquiétude face au chômage, en particulier celui des jeunes. L’emploi est l’un des sujets majeurs sur lequel l’Europe doit se pencher davantage et d’urgence.
Par ailleurs, les représentations au Parlement européen montrent une assez grande stabilité d’un grand nombre de partis pro-européens. Le parti allemand le SPD (Parti social-démocrate) est en hausse de près de 7% et le PPE (Parti populaire européen) perd quelques voix. La partie souverainiste progresse d’une quarantaine de voix. Mais cette progression ne change pas fondamentalement l’équilibre politique européen.
De quelle marge disposera un parti comme le Front national au Parlement européen ?
D’abord, il faut constituer un groupe au sein du Parlement européen. Pour cela, il faut au moins une coalition de 7 pays qui s’allient entre eux sur des thèmes communs. Or, il y a assez peu de rapports entre un parti eurosceptique britannique voulant sortir de l’Europe et un parti néo-nazi grec ou autrichien. En l’occurrence, un accord n’est pas acquis et même s’il était acquis, il aboutirait à un groupe de 70 eurodéputés sur plus de 700. Cela ne constitue pas une majorité et ne modifiera pas l’équilibre européen.
Le signal d’alarme donné par ces élections doit en revanche conduire les pays du sud de l’Europe et la France à peser davantage sur leurs partenaires de l’Europe du nord pour un certain rééquilibrage en faveur du sud. L’un des problèmes majeurs est le chômage. Il atteint en Espagne et dans les pays du sud de la Méditerranée plus de 50%, ce qui est considérable. Donc un rééquilibrage économique en faveur de la rive sud est nécessaire. Faute de quoi, la cohésion européenne risque de se fragiliser. Les pays du nord de l’Europe doivent y être sensibilisés.
Des retombées sont-elles à prévoir sur l’espace Schengen et la politique migratoire de l’Europe ?
Il est possible que des éléments de la politique de libre circulation relative à l’espace Schengen soient réexaminés. Cela concerne essentiellement la circulation intra-européenne. Sur les politiques de visas, elles dépendent de chacun des Etats membres. Les politiques migratoires sont d’abord et avant tout décidées par les Etats membres en fonction de leur propre situation.
Propos recueillis par Hasna Daoudi