La question fut d’actualité tout au long de cette crise au rythme ascendant. Paris s’arrangeait toujours pour ne pas sortir d’une objectivité équidistante. La position française rappelée à toutes les occasions était la suivante: La diplomatie française soutient sans faille la médiation koweitienne et La France souhaite qu’une solution politique soit trouvée au sein de la maison commune de ces pays qu’est le conseil de coopération du golfe (CCG). Impossible de déceler, en tout cas dans les discours publiques, vers quelles parties de cette vive dispute allaient les préférences françaises.
Malgré de nombreuses charges aux relents de campagne électorale dans lesquelles Emmanuel Macron accusait pêle-mêle l’Arabie saoudite et le Qatar de favoriser le financement du terrorisme, cette situation de neutralité perdure en France jusqu’à la visite de l’Emir du Qatar Cheikh Tamim. À cette occasion, Paris opère un mini tournant et lance cet appel inédit : « Le président de la République a demandé que les mesures d’embargo affectant les populations du Qatar, en particulier les familles et les étudiants, soient levées le plus rapidement possible ». Il n’en fallait pas plus pour que la diplomatie du Qatar crie victoire. Dans cette même journée où le Cheikh Tamim avait rencontré le président Turc Tayeb Erdogan, la chancelière allemande Angela Merkel, Emmanuel Macron insiste sur la nécessité de lever l’embargo pratiqué par le voisinage comme une sanction punitive. Un premier message fort qui fissure, selon les sympathisants du Qatar, le silence de la communauté internationale, contrainte dans son expression, sur la question.
Parce que cet appel est relativement nouveau, la presse a lourdement titré sur les demandes françaises de lever cet embargo. Mais à lire de très près le communiqué de l’Elysée qui avait sanctionné cette visite de Cheikh Tamim, il est impossible de ne pas remarquer qu’Emmanuel Macron avait pratiqué le fameux « En même temps » devenu sa marque de fabrique pour distinguer son approche politique. Une phrase est glissée dans ce communiqué avec finalité d’envoyer aussi des messages aux détracteurs du Qatar. C’est la suivante : « l’Emir ayant présenté les efforts du Qatar en la matière, le Président de la République a rappelé la détermination totale de la France à lutter contre le terrorisme et son financement et la nécessité de renforcer tous les dispositifs nationaux, régionaux et internationaux à cette fin ». Volontaire ou pas, ce message donne corps aux accusations lancées par le quarteron de pays (Arabie, Bahreïn, Emirats et Egypte) qui bloque le Qatar sous prétexte que ce pays est devenu le parrain et le financier d’organisations terroristes.
Il est aisé d’imaginer que dans une négociation serrée entre Paris et Doha, un troc fut opéré: Un appel solennel pour lever l’embargo contre une tirade sur la nécessité de cesser de financer le terrorisme et d’accepter de participer activement au sommet que Paris compte organiser sur la question début de l’année prochaine. Même si elle a pointé les effets néfastes du blocage mettant en difficulté ses inspirateurs, la diplomatie française s’est arrangée pour accoler le Qatar au financement du terrorisme et les efforts exigés par la communauté internationale pour y mettre fin.
Au cours de cette visite, Emmanuel Macron, s’est engagé à avoir un rôle plus actif dans le soutien la médiation koweitienne. Paris fait ce terrible constat que cette crise du Golfe génère « des tensions qui menacent la stabilité régionale, entravent la résolution politique des crises et l’efficacité de notre lutte collective contre le terrorisme ». Autant d’indicateurs qui font que cette crise entre le Qatar d’un côté et l’Arabie, les Emirats, le Bahreïn et l’Egypte sera au coeur de la 72e assemblée générale des Nations unies prévue la semaine prochaine où les grands et les petits de ce monde vont se pencher sur les différentes crises qui configurent le destin de la planète.