Emmanuel Macron affronte pourtant un paradoxe qui risque d’obérer son action politique. Celui d’un président qui chute dans les sondages et par conséquent dans l’estime des Français quatre mois à peine après les avoir triomphalement séduits et qui se trouve en face d’une opposition déstructurée, en miettes à la recherche à la fois d’un leadership et d’un projet politique. Comment tomber si bas dans le désamour des Français quand les forces capables d’encadrer et de formuler ces frustrations et ces dépits sont en si mauvais état.
A commencer par le parti Les Républicains. Ce parti de la droite dite classique et qui a longtemps baigné dans l’euphorisante culture du chef et du culte de la personnalité se trouve brusquement orphelin. Qui pour reprendre le flambeau ? Pour l’instant un seul personnage se distingue du lot, Laurent Wauquiez. Mais l’homme, au tempérament clivant, manque cruellement de charisme. Il rêve de rééditer l’exploit de Nicolas Sarkozy en 2007 lorsqu’il avait fait le choix de capter les idées phares du Front national et de les intégrer dans son programme de campagne. Le mimétisme entre Wauquiez et Sarkozy atteint les discours et les postures avec une telle fidélité qui commence à faire le bonheur de la satire politique. A cette problématique de la recherche d’un chef se rajoute la crise de la position commune de ses députés à l’égard de la gouvernance Macron. Le parti est fracturé entre des constructifs pro-Macron et des opposants à ses choix et a sa ligne.
En face d’Emmanuel Macron se trouve aussi le Parti socialiste. Plus divisé que jamais, dans un brouillard épais sur son avenir, le PS s’interroge non seulement sur son projet politique, à titre d’exemple flagrant, il n’arrive même pas à formuler une approche claire sur la prochaine séquence sociale de protestations contre la réforme du code de travail. Le PS se cherche aussi un leader capable de réunir ses multiples courants secoués par la chute de la maison Hollande qui a été dans l’incapacité de se représenter pour un nouveau mandat, laissant un grand boulevard à Emmanuel Macron.
Une épreuve similaire mais de moindre intensité est actuellement traversée par le Front National. Finaliste de la présidentielle, Marine Le Pen peine à s’imposer comme première opposante à Emmanuel. Elle peine à s’imposer au sein de son parti comme pouvant encore porter ses espoirs de victoire à venir. Son échec devant Emmanuel Macron fut aussi l’occasion de dévoiler ses défauts et ses incapacités. Le FN d’aujourd’hui ne sait plus à quel saint se vouer, à celui d’une euro-phobie assumée où d’un repli identitaire de plus en plus affirmé.
Face à cette opposition affaiblie par la disparition provisoire, selon certains des clivages traditionnels gauche-droite, Emmanuel Macron ne semble pas tirer son épingle du jeu. Les sondages se suivent et se ressemblent dans cette inexorable chute de sa popularité. Cette situation est de nature à rigidifier davantage le discours et les expressions du président de la république.
Sa récente charge contre les intellectuels, les éditorialistes et les « fainéants » est de nature à grossie les rangs de ceux qui doutent et qui s’interrogent sur la pertinence des choix et des postures du nouveau président français. Même la presse internationale, à l’image du prestigieux « New York Times », tombé jadis sous l’effet séducteur de son charme et de son dynamisme, sort la grosse artillerie pour démonter le mythe naissant. Le journal américain signe cette charge inédite de cette manière « Tout le projet politique du président français s’est concentré sur sa propre personne. Son attrait vient essentiellement de sa jeunesse, de son dynamisme, de son allure et de ses qualités oratoires. Mais une fois que le charme est rompu, il ne reste rien à ses soutiens pour l’apprécier et c’est ce qui est en train de se produire".