Pour Marine Le Pen, 2012 n’est qu’un début. «Je vous préviens, j’ai un cœur de jeune fille. Vous allez m’avoir sur le dos pendant les cinquante prochaines années», plaisante la candidate à l’Elysée. Son score, dimanche, dessinera les contours de son avenir politique.
A l’automne 2011, elle caracolait dans les sondages d’intentions de vote au-dessus des 20 %. Et comme Nicolas Sarkozy était au plus bas, le risque d’un «21 avril à l’envers» était sérieusement envisagé. Au début de l’année 2012, ce risque semblait écarté. Ayant éliminé à droite tous ses concurrents potentiels à l’exception de Nicolas Dupont-Aignan, le chef de l’Etat a creusé l’écart avec la candidate du FN, flirtant en mars avec la barre des 30 % grâce à une entrée en campagne marquée par un retour sur le thème des valeurs. Tandis que Marine Le Pen, attaquée sur son terrain, tombait à 14 ou 15 %. Pourtant la présidente du FN peut encore créer la surprise. Selon une étude TNS Sofres publiée en janvier, près d’un tiers des Français se dit en accord avec les idées du FN. En janvier toujours, Libération publiait une autre étude montrant qu’un tiers des électeurs n’excluait pas de voter pour la candidate frontiste.
Où en est Marine Le Pen aujourd’hui ?
Depuis la semaine dernière, la tendance semble s’inverser. Y aurait-il à nouveau péril en la demeure ? On n’en est pas encore là. Nicolas Sarkozy est redescendu à 24 % dans ses plus mauvais sondages (CSA pour BFM TV, RMC et 20 minutes les 16-17 avril) et Marine Le Pen remontée à 17 % (CSA, et aussi Harris pour VSD et LCP). Mais l’écart reste nettement supérieur aux marges d’erreurs.
Cependant, ces enquêtes ne sont que des instantanés, à huit jours du scrutin. Et la candidate du FN pourrait créer la surprise en remontant dans la dernière semaine, comme son père en 2002. Il y a dix ans, Jean-Marie Le Pen avait réussi à devancer Lionel Jospin d’un peu plus de 200 000 voix et figurer au second tour avec 17 %, alors que, quelques jours avant le 21 avril, il était crédité de 13 % à 14 % dans les sondages (non publiés à l’époque, car interdits dans la dernière semaine). «En 2002, rappelle François Miquet-Marty, directeur associé de l’institut Viavoice, plus de 15 % des électeurs disaient s’être décidés dans les dernières heures, le samedi ou le dimanche. Or, parmi eux figurait une importante proportion d’électeurs de Jean-Marie Le Pen. Le fait de se décider beaucoup plus tardivement que les autres est une des caractéristiques de l’électorat du Front national.»
Qui sont les électeurs de Marine Le Pen?
Les sondages cernent assez bien les électeurs du FN. Libération avait demandé en janvier à Viavoice une étude sur leur profil, qui pour l’occasion avait doublé la taille de l’échantillon habituel (2 011 personnes au lieu de 1 000) afin de pouvoir disposer d’un sous-échantillon de 376 personnes déclarant voter «certainement» ou «probablement» pour Marine Le Pen. Cet électorat se distingue nettement des autres, notamment de celui de l’UMP, par sa jeunesse (surreprésentation des 18-49 ans et sous-représentation des 65 ans et plus) et par une proportion très élevée d’ouvriers (27 % voteraient pour elle). «En 2002, c’était déjà le cas, avec près de 30 % des ouvriers votant pour Jean-Marie Le Pen», souligne François Miquet-Marty. Pour tenter de rattraper son retard chez les personnes âgées, Marine Le Pen leur a lancé, mardi depuis le Zénith de Paris, «un appel solennel», les invitant à rejoindre «notre jeunesse» et ainsi à réaliser «les magnifiques retrouvailles de l’audace et de l’expérience».
Toujours côté déficit, elle est mal perçue chez les cadres – qui ne se retrouvent pas dans les thématiques du FN (11 % dans notre enquête de janvier) – et les retraités, qui assurent plutôt le socle de l’électorat de Nicolas Sarkozy. Les artisans et petits commerçants qui, dans la continuité de la vague poujadiste des années 50, ont soutenu à ses débuts la montée du Front, sont aujourd’hui noyés dans la masse. «Les études qualitatives montrent que ce qui réunit tous les électeurs de Marine Le Pen, c’est le sentiment de régression sociale», relève François Miquet-Marty.
Dispose-t-elle de réserves de voix?
Dans la dernière ligne droite, la candidate d’extrême droite pourrait aussi mobiliser des abstentionnistes, ceux qui, explique François Miquet-Marty, «se disent au dernier moment qu’ils ne vont pas laisser les élites faire l’élection avant que le peuple ait voté». Pour Jérôme Fourquet, de l’institut Ifop, «parmi ceux qui avaient voté Le Pen en 2007, 37 % sont aujourd’hui tentés par l’abstention». A elle donc de les ramener dans le giron FN. Elle pourrait également bénéficier d’un fort vote chez les primo-votants vu sa forte popularité chez les jeunes. Un vote que les instituts de sondage ont du mal à quantifier puisque, par définition, ils ne disposent d’aucune référence.
prend-elle des voix à Nicolas Sarkozy?
Le directeur de Viavoice estime à «17 % les électeurs de Nicolas Sarkozy prêt à voter Marine Le Pen. Et il y a toujours une frange de l’électorat de droite qui hésite entre les deux». «12 % des électeurs de Sarkozy de 2007 sont prêts à basculer sur Le Pen. Cela représente 3 points environ», ajoute Jérôme Fourquet. Jérôme Sainte-Marie, de l’institut CSA, n’exclut pas, lui non plus, une progression en fin de campagne avec les «sarkozystes démoralisés. D’autant plus que les zones de recoupement entre les deux électorats sont importantes chez les petites classes moyennes, les artisans, les commerçants, les professions indépendantes notamment».