Ruquier, Polony et Pulvar ont-ils été piégés par Marine Le Pen sur France 2 ?
En recevant Marine Le Pen à On n’est pas couché, Laurent Ruquier et ses acolytes ont opté pour la banalisation plutôt que l’agression. Compte tenu des polémiques précédentes, ils n’avaient pas le choix. Ont-ils été piégés et ont-ils échoué là ou Anne-Sophie Lapix avait réussi ?
Hormis quelques échanges sur le bal viennois cher au cœur des extrêmes droites européennes, cette émission sera oubliée plus vite que les polémiques qui la précédèrent. Le plus éreinté y fut un journaliste spécialisé dans l’actualité des médias, d’un commun accord entre Ruquier et son invitée, ce qui constitua un spectacle assez étonnant.
Marine Le Pen fut donc traitée banalement, banalisation qu’elle recherchait avant tout et surtout en se faisant inviter sur le plateau de Ruquier. Le point lui est acquis.
Marine Le Pen, à l’évidence, a gagné son bras-de-fer psychologique contre Laurent Ruquier, Natacha Polony et Audrey Pulvar, elle les a bel et bien contraints à la banaliser, là est sa grande victoire.
Force est de constater le résultat de l’incroyable pression (entre plainte en justice et exigences exorbitantes) exercée par Marine Le Pen sur France 2, Laurent Ruquier, ses deux comparses et la production d’On n’est pas couché : Marine Le Pen, contrairement à ce qui s’était passé face à Anne-Sophie Lapix a passé une tranquille petite soirée entre amis pas toujours d’accord sur tout. Preuve en est qu’elle s’est amusée à souffler à Natacha Polony qu’elle pourrait être son ministre de l’Éducation nationale et à Audrey Pulvar qu’un déjeuner entre copines était dans l’ordre du possible. Habile.
Signe des facilités consenties de fait à Marine Le Pen : la politique et l’économie furent les grandes absentes du débat, alors que chacun sait depuis la prestation remarquable et remarquée d’Anne-Sophie Lapix, donnée confirmée par l’étude Présidoscopie, que c’est le point faible de la candidate du FN.
En toute équanimité, convenons que dans le contexte si particulier précédant l’émission, Laurent Ruquier, Natacha Polony et Audrey Pulvar étaient confrontés à un dilemme très particulier, qui ne leur offrait le choix qu’entre deux mauvaises solutions : l’agression ou la banalisation.
L’agression, quelle qu’en soit la forme, aurait permis à Marine Le Pen de se camper en victime, une fois de plus, des méchants médias qui la persécutent et lui font payer les outrances paternelles. Ruquier et ses camarades ont repoussé cette tentation sans hésitation. On peut le comprendre.
La banalisation, choix qui fut retenu, à l’évidence, avait l’avantage de ne pas offrir à Marine Le Pen l’occasion de se poser en victime, elle avait aussi un inconvénient, participer objectivement et ontologiquement à la stratégie de banalisation médiatique, donc politique de la même Marine Le Pen.
N’est-il pas terrible, voire insupportable, de se dire que des personnalités médiatiques, de bonne volonté, se sont retrouvées ainsi piégées par Marine Le Pen et ont participé, contre leur gré, à sa stratégie de banalisation ?
De cet épisode on retiendra la leçon suivante : si, à l’instar d’Anne-Sophie Lapix, Laurent Ruquier et Audrey Pulvar (posture plus problématique pour Audrey Pulvar, journaliste professionnelle, que pour Laurent Ruquier, humoriste et animateur de télévision) n’avaient pas affiché au préalable une révulsion totale de Marine Le Pen, révulsion affirmée, confirmée et revendiquée depuis des semaines, ils ne seraient pas trouvés dans la terrible tenaille dialectique qui les a contraints à opter pour le moindre mal et à faire, selon la formule consacrée, "le jeu du Front national".
La meilleure arme médiatique contre Marine Le Pen, c’est donc le journalisme, façon Anne-Sophie Lapix, et c’est finalement une bonne nouvelle pour le journalisme, le seul, le vrai.