Si officiellement, les raisons avancées pour la dissolution de ce quotidien sont d’ordre économique, les salariés du journal se sont déclarés convaincus que le journal a été fermé pour des motifs purement politiques.
Ainsi, la convocation d’une assemblée générale mercredi actant la fermeture de Liberté a été perçue par de nombreux observateurs comme une tentative de se rapprocher du pouvoir en se débarrassant d’un média devenu encombrant.
Pour l’éditorialiste de Liberté, il s’agit d’un « véritable cataclysme médiatique que nul n’a vu venir après trente ans de lutte et d’existence ».
« Ceux qui pensent que nous sommes un journal qui dérange et qui mérite sa mort peuvent nous supporter encore une petite semaine. Ils pourront ensuite –dormir- tranquilles. Mais qu’ils sachent que l’Algérie ne peut pas se réjouir d’une telle fin. Parce que la disparition d’un journal est souvent suivie de la naissance d’un démon », met-il en garde.
De son côté, le collectif du journal Liberté, surpris par la décision de son propriétaire, Issad Rebrab, a dénoncé dans un communiqué une « décision injustifiée au regard de l’histoire du média mais aussi de ses ressources financières ».
Il s’est déclaré stupéfait que l’actionnaire majoritaire de la société éditrice du quotidien a pris cette décision inattendue qui intervient au moment où le journal a engagé un train de mesures visant le redressement de la situation économique de l’entreprise.
Pour sa part, « TSA » a exprimé son indignation suite à la disparition de Liberté, lancé en juin1992, et qui illustre les difficultés de la presse en Algérie.
Les médias sont confrontés à une multitude de problèmes qui menacent la survie de plusieurs titres : crise économique, tarissement de la publicité privée, contrôle de l’Etat sur la publicité publique, modèle économique dépassé et les pressions politiques, s’insurge-t-il.
A cela s’ajoutent les poursuites judiciaires à l’encontre de plusieurs journalistes dont certains ont été condamnés et incarcérés, note le média, pour qui ces facteurs affaiblissent considérablement la presse privée et rendent difficile la pratique du journalisme.
Dans ce sens, le vice-président de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme, Said Salhi, a souligné que « Liberté paie aujourd’hui pour sa ligne éditoriale ».
« Quant à nous les militants, dans ces moments difficiles, témoins impuissants de cette énième attaque dans le dos et contre nos acquis, nous sommes tous bouleversés, il ne nous reste que l’indignation », déplore-t-il dans un communiqué.
Tout en dénonçant un « pouvoir qui bâillonne la parole et l’opinion libres », il a indiqué qu’en allié objectif du système dans sa mission de mise à mort des voix discordantes et de la presse libre, Le propriétaire de Liberté a choisi de sortir de l’histoire et désormais, il fait partie du passé.
Réagissant à cette décision prise par Rebrab de fermer le quotidien, le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Mohcine Belabbas, l’a qualifié d’offrande faite au pouvoir pour l’amener à réviser un certain nombre de mesures économiques contraignantes pour son Groupe Cevital.
Tout en exprimant son soutien aux journalistes de Liberté, Belabbas a écrit dans un post Facebook que « la décision d’Issad Rebrab de fermer le Journal Liberté sonne comme une offrande au pouvoir pour l’amener à revenir sur l’interdiction, pourtant économiquement viable, des exportations dont la matière première est importée par le pays ».
Un collectif d’intellectuels, d’universitaires, de chercheurs et d’artistes algériens se sont, pour leur part, dits « inquiets » du sort réservé au journal Liberté et exprimé leur profond attachement au pluralisme médiatique, soulignant qu’ils ne peuvent pas rester insensibles au risque de la disparition d’un titre qui porte la voix plurielle de l’Algérie.