La frustration de Nicolas Sarkozy sur cette question a encore été amplifiée par les succès sur le terrain des fidèles de Mouammar Kadhafi qui, petit à petit, grignotent le terrain libéré par l’opposition. Le Raïs libyen est décrit comme étant sur le point de prendre les derniers bastions contrôlés par les rebelles du Conseil National de la Transition libyenne.
L’humeur présidentielle parait si maussade qu’il semble avoir chargé son ministre des affaires étrangères Alain Juppé d’en diffuser les aigreurs pour mieux souligner la pertinence des choix français : « le colonel Kadhafi marque des points. Si nous avions utilisé la force militaire la semaine dernière (…) peut-être que le renversement en la défaveur de l’opposition ne se serait pas passé. Mais c’est du passé » Et de souligner le trait au cas où le message ne serait pas compris : « La France l’a souhaité et ses partenaires se sont montrés plus prudents. Nous avons peut-être laissé passer une chance de rétablir la balance ».
Bien entendu, même provisoirement freiné dans son élan militaire contre Kadhafi, Nicolas Sarkozy ne s’interdit aucune voie pour pousser le dictateur libyen vers la sortie. Le théâtre des nations unies pour exercer le maximum de pressions économiques et politiques va être investi par la diplomatie française. L’objectif est de renforcer les sanctions contre Kadhafi à travers des résolutions qui établissent un blocus maritime et sans doute des zones d’exclusion aériennes.
La seconde phase de cette tentative d’étouffer Kadhafi est de mobiliser son entourage régional immédiat. Une idée de sommet entre l’Union Européenne, la Ligue Arabe et L’union Africaine pour poser la problématique Kadhafi a été lancée par la diplomatie Française. Avec les Arabes au rang desquels Mouammar Kadhafi compte d’irréductibles ennemis, la partie paraît jouable. La ligue arabe avait donné son aval à l’installation des zones d’exclusions aériennes sous mandat de l’ONU. Avec les Africains parmi lesquels Kadhafi compte une foule d’obligés, l’affaire n’est pas acquise. D’autant que de nombreux dictateurs africains, amis du Raïs Libyen, craignent ouvertement que la « jurisprudence Kadhafi » ne s’applique à eux aussi.
Mais la question qui taraude les chancelleries aujourd’hui : Quelle serait la posture de la diplomatie française dans le cas fort probable où Kadhafi reprend le contrôle entier du territoire libyen et éradique les insurgés ? Paris a été la première capitale à avoir reconnu officiellement le CNT comme représentant du peuple libyen, à avoir envisagé d’ouvrir un consulat à Benghazi et à militer ouvertement pour une action militaire contre Kadhafi.
La diplomatie française se console pour le moment en estimant difficile sinon impossible à la communauté internationale de s’accommoder de la présence de Kadhafi. Et de rappeler que le conseil de sécurité avait demandé à la Cour Pénale Internationale de lancer une action contre le Raïs Libyen sous la terrible accusation de « crimes contre l’humanité ».