Régis Debray : le cinéma, seul art qui soit à la fois populaire et élitiste

"Le cinéma est le seul art qui soit à la fois populaire et élitiste, alternativement et en même temps, ce qui lui donne une fonction politique", a souligné l’écrivain et philosophe français, Régis Debray.

"Le cinéma ne fait pas seulement rêver, il donne des fourmilles dans les jambes. Il est devenu un peu l’art des arts, celui qui les domine tous et qui les fait travailler" en même temps, a-t-il ajouté, vendredi soir, dans le cadre des Masterclass de la 13ème édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM).

Evoquant sa relation avec le cinéma, "qui n’était pas au départ un art mais un phénomène de foire", Debray, promoteur de la médiologie (l’étude des effets culturels des mutations techniques), avoue qu’il n’entretient aujourd’hui avec le 7ème art qu’"un rapport de cinéphile, plus esthétique que pratique".

"Aujourd’hui, je suis beaucoup plus éloigné du cinéma que je l’étais (par le passé)", a-t-il dit lors de ce Masterclass modéré par le vice-président délégué de la Fondation du FIFM Nour-Eddine Saïl, soulignant qu’il s’intéresse, depuis toujours, davantage à l’image.

"Pour moi, l’image peut avoir des fonctions différentes : elle peut être un moyen de survie, de se sauver de la détresse, un porte bonheur, elle nous met en relation avec les morts, mais aussi avec des puissances. C’était, durant la préhistoire, une façon pour l’homme de capter l’énergie des animaux et de s’approprier leur vitalité", a-t-il précisé.

Et d’ajouter que l’image "n’est pas une chose inerte. Elle est performative, active, une source de vie et sert aussi à capturer la tension, la ferveur, la sujétion et l’obéissance", soulignant qu’elle "est motrice par l’émotion qu’elle suscite".

Debray relève une évolution constante des régimes des images, la peinture ayant été libéré du figuratif par la photographie.

Interrogé au sujet de son dernier livre, "Le Stupéfiant image", le médiologue expliqué qu’il y évoque l’omniprésence de l’image dans la rue, un phénomène où on peut voir "à la fois un opium et un départ poétique, une sorte d’incitation à la rêverie et à l’imaginaire".

Pour Debray, chaque modification technique invente une nouvelle forme d’art qui n’est pas l’imitation de la précédente, citant comme exemples l’apparition de l’huile dans l’art plastique qui a permis une subtilité dans les tableaux, le passage de la pellicule à la vidéo ou encore l’apparition des tables de montage numérique.

Le numérique peut aussi engendrer de l’art, a-t-il poursuivi, estimant qu’"il faut laisser le temps aux technologies modernes pour enfanter des chefs d’oeuvre".

Initiées en 2007, les Masterclass sont devenues un rendez-vous incontournable du Festival International du Film de Marrakech. Outre Régis Debray, l’édition 2013 de ces Masterclass a vu passer Bruno Dumont, réalisateur et scénariste français, James Gray, réalisateur, scénariste et producteur américain, et Nicolas Winding Ref, réalisateur, scénariste et producteur danois.

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